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respectées fidèlement par les esprits dociles, tantôt agrandies par une ambition de recherche et de progrès qui est l’honneur de l’humanité ; c’est là ce qu’on appelait les sept arts. Ce modeste territoire, que la théologie avait bien voulu laisser à des études moins directement soumises à son empire, se partageait en trivium comprenant la grammaire, la rhétorique, la dialectique, et en quadrivium, comprenant l’arithmétique, la géométrie, la musique, l’astronomie. On aurait pu s’y trouver à l’étroit ; mais depuis deux siècles l’intelligence travaillait à élargir les compartimens primitifs. Comme avec la rhétorique on avait la poésie, l’histoire, l’art épistolaire, tout le genre didactique, la traduction, et qu’avec la dialectique on s’ouvrait le champ de la philosophie et les discussions sur les plus hautes abstractions de la pensée, sur la nature et sur la politique, l’esprit humain, sans trop sortir des cadres imposés par l’usage, s’empara de tout ce que nous appelons aujourd’hui les études littéraires et philosophiques. À ce compte, savoir, comme on disait, trive et cadruve, c’était déjà savoir quelque chose. Cet enseignement mérite d’être comparé avec celui qui se donnait dans l’antiquité classique. On remarque tout d’abord qu’il est fort semblable à ce qui était chez les Grecs et chez les Romains : les écoles montraient la grammaire et la rhétorique ; elles montraient aussi l’arithmétique et la géométrie. Ceux qui voulaient aller plus loin s’adonnaient à quelqu’une des sectes philosophiques qui avaient cours alors ; quant à l’astronomie et à la médecine, c’était l’affaire des hommes spéciaux. Donc rien n’était changé ; seulement dans le moyen âge les choses avaient pris une forme plus précise et plus consistante : un grand corps, les universités, était désormais chargé de donner et de perpétuer l’enseignement. C’était beaucoup, mais aussi c’était tout ce qu’il était possible de faire. En effet, que par la pensée on essaie d’agrandir le cercle de cet enseignement, et l’on verra que cela est absolument impossible, et que, durant un long espace de temps, les sociétés n’eurent qu’à cultiver le fonds acquis de manière à profiter des ouvertures de progrès dès qu’elles se feraient.

Dans cet état de l’esprit humain, trois routes seulement, cela est aujourd’hui démontré par le résultat, pouvaient être parcourues : c’étaient les sciences, l’étude des langues et les connaissances psychologiques relatives à la théorie des idées et à celle de la morale. Ces trois sujets avaient été ébauchés par l’antiquité et furent poursuivis par le moyen âge. Ce point d’ébauche, on va voir qu’il ne pouvait être dépassé. Les sciences suivent une hiérarchie déterminée par les trois degrés des choses mêmes de la nature, degrés qui sont physiques, chimiques et vitaux (c’est en méthode la plus grande découverte du XIXe siècle), et elles reçoivent leur constitution suivant