Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

protectrice de la France. Il est vrai aussi que les alliés avaient à cette époque pensé également à améliorer la condition intérieure de l’empire ottoman, que l’Angleterre elle-même avait alors parlé de l’utilité et de la nécessité de « réformer le Turc, » et que l’entente nouvelle entre la France et la Russie semblait presque toujours avoir cet objet pour but. Réformer le Turc ! La chose n’était guère facile, malgré tous les hatt-humayoum, « Pour réformer le Turc, disait malicieusement un ambassadeur français à Constantinople, il faudrait d’abord commencer par l’empaler. » Sans aller assurément jusque-là, sans vouloir la mort du juste Osmanli, la France désirait cependant rendre quelque vie et quelque autonomie aux diverses populations chrétiennes que recouvrait la couche officielle de la domination musulmane, — et la pensée fut aussi généreuse que prévoyante même dans son principe. Ce que le gouvernement français avait alors surtout à cœur, c’était d’amener la fusion politique de ces deux principautés de la Moldavie et de la Valachie, qui (disait un mémorandum de la France présenté déjà à l’époque des conférences de Vienne en 1855), « issues de la même race, parlant la même langue, ayant la même religion, et, à de légères différences près, les mêmes institutions et les mêmes lois, étaient invitées en quelque sorte par la nature à s’unir. » L’Angleterre s’était d’abord associée à la proposition ; mais après la tournure que les affaires générales commençaient à prendre depuis le congrès de Paris, et devant l’empressement de la Russie à voter pour l’union, lord Cowley recula, et fit cause commune avec l’Autriche et la Turquie dans leur opposition. De guerre lasse, on finit par accepter une combinaison qui assimilait complètement l’administration dans les deux pays, tout en maintenant leur séparation. C’était, comme plus tard en Italie, le projet de confédération substitué à l’idée de l’unité ; mais alors aussi fut donné sur les bords du Danube le premier exemple de cette politique qui devait bientôt s’exercer sur une bien plus vaste échelle dans la Toscane et l’Emilie. La double élection du prince Couza fut en effet le premier essai de cette diplomatie populaire qui, plus unie et conséquente que la diplomatie officielle, et aidée en sous-main quelque peu par une puissance amie, se plaisait à confondre les combinaisons des hauts plénipotentiaires et hauts contractans, et venait proclamer à la face du monde un fait accompli de par le suffrage de la nation. Et de même les considérations que le gouvernement français fit valoir alors pour la reconnaissance de ce fait accompli ne différèrent pas de beaucoup de celles qui plus tard furent données en faveur des annexions italiennes : elles semblent presque comme le cadre tracé d’avance d’une fameuse brochure. « Comment annuler l’acte qui vient de se