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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août 1864.

La courte session des conseils-généraux marque le milieu de la saison de villégiature de la politique. Entre une cure d’eaux, une ascension au Righi, une station aux bains de mer et l’ouverture de la chasse, vient se placer à propos cette petite semaine consacrée aux affaires locales de nos départemens. Ce qui nous charme, c’est que les grands lions de la politique officielle ne laissent point échapper cette occasion passagère et en profitent pour faire du sport oratoire. Nous aimons à voir que la démangeaison de parler, même dans ce temps de vacances, saisisse quelques-uns de ces personnages qui ne comptent point cependant parmi les amateurs des chocs de la parole libre. Ce penchant pour les discours chez nos adversaires est un bon symptôme. Il est vrai que pour le moment leurs harangues d’été ne sont que des soliloques ; mais il est vraisemblable qu’ils n’auront pas toujours la prétention de parler tout seuls, et qu’ils se fatigueront à réciter sempiternellement en l’absence de contradicteurs des oraisons qui tiennent le milieu entre le discours de distribution des prix et le monologue tragique. En général aussi, le défaut de cette éloquence de campagne est de ne point correspondre à l’aménité et aux riantes familiarités de la saison : elle est pompeuse, elle est guindée, elle est déclamatoire, elle est absolument dépourvue de gaîté. Adressée à un peuple qui aime à s’amuser et qui est flatté de s’entendre appeler spirituel, elle ne lui donne pas le plus petit mot pour rire. La foule, emportée par une immense facétie, crie dans l’ivresse des trains de plaisir et des fêtes publiques : « As-tu vu Lambert ? » Et cependant M. le duc de Persigny, inaccessible à l’enjouement populaire, dominant avec une gravité que rien ne déride les étourderies de la rue, fait un appel laborieux aux enseignemens de l’histoire, manie avec effort les argumens de l’idéologie la plus subtile et la plus rébarbative, sue en un mot sang et eau pour nous convaincre que le régime actuel a fondé en France la liberté.