les vents dans la direction générale de la plage et dans le régime des dunes, la côte landaise est partout également inhospitalière. Aucun port n’échancre la berge presque rectiligne du rivage, et, sous peine d’échouer quand le vent de tempête vient à souffler, les navires à voiles doivent tenir la haute mer à une grande distance du littoral. Malgré le voisinage de Bordeaux, de Bayonne, de Saint-Sébastien, de Bilbao, les parages qu’on pourrait appeler la mer des landes sont en général complètement déserts, et l’on peut se promener dans les dunes pendant des jours entiers sans apercevoir une seule voile à l’horizon. Vers l’époque des équinoxes cependant, alors que les navires sont violemment jetés hors de leur route par les tourmentes, les naufrages ne sont pas rares : on trouve à demi enfouis dans le sable bien des gouvernails brisés, bien des membres d’embarcations, bien des épaves qui font penser aux terribles drames des nuits d’orage. Jadis, lorsque les navires longeaient de plus près la côte, et que la population riveraine, composée en grande partie de pirates[1], essayait par des signaux trompeurs de faire échouer les embarcations, afin d’exercer l’horrible droit de bris, les naufrages étaient relativement beaucoup plus fréquens sur le rivage des landes qu’ils ne le sont aujourd’hui. Les habitans des villages les plus rapprochés du littoral racontent de lugubres histoires qui font dresser les cheveux, et si l’on en croit les mauvaises langues, il y aurait toujours parmi les riverains des hommes qui regrettent ce bon vieux temps de pillage et de meurtre. Encore en 1815 les matelots d’un navire espagnol en détresse, craignant d’être maltraités par les habitans des landes, essayèrent, dit-on, de gagner les côtes de l’Espagne à force de rames, et périrent tous dans les flots. Quoi qu’il en soit, l’ignorance et la superstition entretiennent dans l’esprit des landais de bizarres légendes d’anciens naufrages. C’est ainsi que les ancêtres des riverains de nos jours auraient vu la tempête jeter à la côte des navires tellement grands qu’ils renfermaient, outre des richesses immenses, de vastes églises et jusqu’à des champs cultivés. En 1789, le beau vaisseau l’Artibonite échoua sur la plage de Saint-Girons. Le souvenir de ce désastre se mêle dans l’imagination de bien des paysans à une vague idée de l’année 1789, à l’écho lointain de la révolution, des guerres de la Vendée, de la mort de Louis XVI, et finit par se confondre en un seul drame avec tous ces faits historiques. Même plusieurs personnes dont on pourrait attendre à bon droit de solides connaissances assurent que le roi de France et toute sa famille se trouvaient à bord de l’Artibonite au moment du naufrage et qu’ils se noyèrent dans les flots. De cette manière sans doute se sont formées
- ↑ Suivant les étymologistes, le nom de Labourd (Laphurdy), qui désigne les cantons basques les plus rapprochés du Marensin, signifie contrée des pirates.