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pas trouver de logis convenables, peut-être aussi par cette espèce de terreur instinctive qui prend toujours le voyageur au seuil d’une terre inconnue. Presque tous ceux qui visitent les régions landaises éloignées des grandes routes y sont amenés par des affaires commerciales ou des fonctions administratives. On peut dire qu’à une faible distance d’Arcachon et des principales stations du chemin de fer de Bordeaux en Espagne, le littoral du département des Landes n’est jamais visité pour lui-même, et cependant il n’est peut-être pas en France de contrée qui, par la simplicité grandiose de ses traits, ait un caractère plus épique[1]. Quelques lignes à peine ondulées, quelques masses uniformes constituent tous les élémens du paysage. Rien d’imprévu ne se montre dans l’espace, soit qu’on se promène sur le bord des étangs, soit qu’on pénètre dans la forêt profonde ou qu’on parcoure les semis dont les jeunes arbres se mêlent aux tiges des bruyères. Cette grande sobriété de lignes, ce relief si peu accidenté donnent à la région des landes une beauté singulière, d’autant mieux comprise que le voyageur s’en pénètre plus intimement par une contemplation muette et par de longues promenades solitaires. De même l’uniformité des cultures, le petit nombre et la puissance des agens qui ont formé le sol landais donnent aux recherches du savant, de l’agriculteur ou du géologue, un caractère tout spécial de largeur et de simplicité.


I

Les pays de Born, de Mimizan et du Marensin, qui forment la zone littorale du département des Landes, ne confinent point aux landes de Bordeaux proprement dites. Ils en sont séparés par le pays de Buch, qui contourne au sud le bassin d’Arcachon, et par la charmante vallée de la Leyre, dont une partie mérite le nom de paradis des landes à cause de ses sources nombreuses, de ses champs cultivés et de ses massifs d’arbres fruitiers. Toutefois les solitudes de Born offrent à peu près le même caractère que celles du Médoc. Naguère aussi dépourvues d’arbres, aussi parsemées de lagunes et de mares, elles ont été en même temps conquises à la sylviculture par l’assèchement du sol et par des plantations régulières. À la hauteur de Parentis et de Mimizan, elles offrent, comme les landes septentrionales, une largeur de plusieurs myriamètres ; mais plus au sud la zone infertile se rétrécit, le sol, traversé par un assez grand nombre de ruisseaux, devient accidenté, la couche d’alios s’amincit par degrés, se déchire en franges, s’éparpille en lambeaux, et finit par disparaître complètement du sous-sol. Du reste, il serait impossible

  1. Voyez sur cette région du littoral de la France la Revue du 15 décembre 1862, du 1er août et du 15 novembre 1863.