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entre l’église et l’état. Nous n’avons guère parlé que d’une seule église chrétienne ; or il y en a d’autres en France, et de celles-là aussi il raconte l’histoire et discute l’organisation. Les deux principales communions protestantes, la luthérienne et la réformée, ont reçu, presque en même temps que le catholicisme, une constitution qui dure encore, et qui, sauf les différences inévitables, est conçue d’après les idées qui ont présidé au concordat. Aussi les appelle-t-on les églises concordataires, par opposition aux églises libres. Lorsqu’auprès du gouvernement, sous ses auspices et dans une certaine mesure sous son influence, fut rétablie l’église catholique, le principe de la liberté des cultes, qui, largement interprété, prescrit de les placer tous sur un pied d’égalité devant la loi, détermina le premier consul à mettre à la charge de l’état les frais généraux des églises dissidentes, et à se réserver une part d’autorité dans le choix des principaux pasteurs. Elles eurent aussi leurs articles organiques. Elles eurent des consistoires, et durent avoir soit des synodes, soit des consistoires généraux. On statua que les pasteurs salariés par l’état seraient nommés ou agréés par le gouvernement. Ainsi, même dans le protestantisme français, l’église et l’état ne sont pas absolument séparés. Les fidèles n’ont légalement pas d’autre lieu de réunion solennelle que les temples désignés par l’administration ; ils ne peuvent entendre d’autres prières, assister à d’autres offices que les prières et les offices dont le formulaire a été implicitement autorisé par le magistrat du dehors, puisque le ministère évangélique ne s’ouvre qu’à des pasteurs qu’il a reconnus. À l’époque où il a paru, ce règlement des cultes non catholiques dut être considéré comme un bienfait ; il les mettait sur la même ligne que le culte de la majorité, que la religion qui prétendait au titre de religion de l’état. C’était professer et pratiquer entre toutes les communions chrétiennes une impartialité dont on pouvait citer très peu d’exemples. Aussi cette organisation a-t-elle été maintenue sans éprouver aucun changement et sans susciter aucune sérieuse plainte.

Mais le protestantisme a eu aussi sa réaction religieuse. Au commencement du siècle, il était atteint de l’indifférence, de la froideur universelles. On ne voudrait froisser personne ni provoquer les réclamations qui assaillirent d’Alembert pour avoir soupçonné Genève de socinianisme ; mais il est certain que les deux principales églises issues du mouvement de la réformation étaient alors au moins bien latitudinaires, pour employer l’expression anglaise. Des omissions, des équivoques, un vague charitable sur les articles de foi les plus délicats, permettaient à des ministres de l’Évangile de laisser dans l’ombre des dissidences doctrinales auxquelles on ne tenait point assez pour les avouer ; ils remplaçaient l’unité par l’union. La réaction