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réclamer pour elle l’amendement d’une révolution. Loin de nous ces partis extrêmes, ces condamnations absolues ! Le mal qui se mêle à toutes choses ne nous aveugle pas sur ce qu’elles contiennent de bien, et il ne faut détruire que ce que l’on désespère de réformer. Même ce qui n’est pas réformable doit quelquefois être conservé de crainte de pis. En signalant les abus peut-être inévitables de toute constitution religieuse semblable, correspondante ou annexée à celle d’un corps politique, on ne veut ici qu’expliquer comment s’est formée l’opinion, chaque jour plus écoutée, qui conseille ou réclame l’abolition de tout rapport d’intérêt et presque d’analogie entre l’église et l’état. Le système volontaire, comme l’appellent les Anglais, c’est-à-dire la religion livrée à elle-même ou abandonnée à la liberté de la persuasion et de la volonté individuelle, en sorte qu’elle soit tantôt le lien d’une association spontanée, tantôt la loi d’un intérieur de famille, tantôt la règle intime d’une âme solitaire, jamais l’objet d’une institution publique, est une doctrine qui compte d’habiles défenseurs. Soutenue avec beaucoup de persévérance par M. Laboulaye, elle vient de l’être de nouveau dans un livre remarquable par un pasteur évangélique qui joint l’exemple au précepte, M. Edmond de Pressensé. C’est cet ouvrage qu’il nous reste à faire connaître.


II

Quelles ont été en France les relations de l’église et de l’état de 1789 à 1802, et comment la révolution française a-t-elle entendu et réglé l’établissement religieux de la société moderne, tel est le sujet historique du livre de M. de Pressensé ; mais l’histoire est pour lui une occasion d’éclairer et de justifier ses idées par l’examen des faits. Ses idées ne sont que les corollaires d’un principe, la séparation absolue de la religion et de la politique, et pratiquement de l’église chrétienne dans tous ses élémens et de l’état sous toutes ses formes. Ce qu’on a de tout temps appelé la distinction des deux puissances, ce principe toujours litigieux, sans cesse invoqué dans les intentions les plus contraires, pour les intérêts les plus opposés, n’était que l’expression équivoque et confuse de la doctrine que M. de Pressensé voudrait amener à une clarté parfaite, à une évidence absolue, à une application sans arrière-pensée ni restriction. Dans un récit clair et animé, il montre fort bien comment cette doctrine si conforme à l’esprit de 89, adoptée en principe par les hommes que cet esprit inspirait, par Mirabeau, par Lafayette, par Sieyès, fut peu à peu altérée, puis abandonnée, puis enfin sacrifiée t par les préjugés du temps, les uns issus de l’ancien régime, les 1 autres enfantés par la révolution. L’ancien régime avait laissé après