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fant ne veuille bien attendre le retour du docteur. Ce médecin, très aimé à cause de son désintéressement et de sa bienfaisance, exerce une sorte de ministère à travers vents et marées. La force publique est représentée à Saint-Mary’s par un policeman, charpentier de son état, et qui travaille pendant la journée, mais qui, le soir venu, revêt l’habit de l’autorité et se promène, majestueusement sur le port. L’île se trouve en outre défendue par une citadelle connue sous le nom de Star Castle (château de l’Étoile). Cette citadelle ou château fort touche à Hugh-Town. On y parvient en gravissant une rude colline élevée d’environ cent dix pieds au-dessus du niveau de la mer, et devant la porte est suspendue une cloche, destinée en cas de besoin à sonner l’alarme. Star Castle a été construit en 1593, sous le règne d’Élisabeth. Il embrasse des bâtimens assez étendus, des logemens pour les officiers, une poudrière, des casernes, et se trouve protégé par des batteries, dont la principale, armée de cinq canons, s’élève du côté de Morning Point (la pointe du matin). Les remparts forment aujourd’hui une belle promenade, dont le sable fin, tout scintillant de grains de mica, est recouvert par des genêts épineux et de gigantesques fougères. À l’entrée, je rencontrai un sergent de haute taille qui me paraissait bien être le maître des lieux. Je lui demandai combien il avait d’hommes sous ses ordres. « Pour l’instant, me répondit-il, je suis la garnison ; mais le fort a logé de mon temps une dizaine de soldats, et comme on parle d’en venir aux mains dans toute l’Europe, j’espère qu’on nous remettra sur le pied de guerre. » En attendant, il était assisté dans ses fonctions militaires par sa femme, qui tenait les clés de la place.

Ces îles sont les Cassiterides ou îles d’étain des Grecs ; on n’y trouve pourtant presque aucune trace de travaux de mines bien étendus. Il est probable que les anciens ont confondu cet archipel avec les côtes de la Cornouaille sous le rapport de la production des métaux. Les Romains en avaient fait un lieu de bannissement. Ausone est le premier qui les décrive sous le nom de Sillinæ insulæ, lequel semble venir du mot breton sullêh, « rochers dédiés au soleil[1]. » Ces îles furent conquises par Athelstan, le premier foi saxon qui ait soumis les Bretons de la Cornouaille vers l’an 938. Durant les guerres civiles entre Charles ier et le parlement, elles tinrent d’abord pour le roi ; mais elles furent réduites en 1651 par

  1. Selon d’autres, ce nom dérive de silya, anguille de mer, à cause du commerce que les anciens habitans faisaient de ce poisson. La baie au nord de Sainte-Agnes est encore appelée Perconger (le port de l’anguille de mer). La Scilly-Isle, qui a donné son nom au groupe des autres îles, est un rocher massif séparé en deux par un abîme béant.