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REVUE. — CHRONIQUE.

douze ans plus tard, à l’avènement de Philippe VI, au commencement de la guerre de cent ans, ils devinrent le cri national ? C’est dans cette période, à mon avis, qu’il faut placer la composition de Hugues Capet.

Ce poème eut une destinée singulière. Traduit en prose allemande au XVe siècle par Élisabeth, comtesse de Nassau et de Saarbruck, il devint chez nos voisins un des livres favoris du peuple, à mesure qu’il disparaissait de la tradition française, Hug Schapeler, tel est le titre de cette chanson de geste transformée en roman germanique. Les Allemands y appréciaient surtout le sentiment démocratique empreint à chaque page du récit ; ils aimaient à voir si lestement brisées par le petit-fils du bourgeois les barrières qui séparaient les classes dans la société féodale. Aucun livre, parmi les œuvres d’imagination, n’a conservé de siècle en siècle un plus fidèle public ; aucun, s’il faut en croire les historiens littéraires, n’a exercé une plus libérale influence. M. Gervinus affirme que de telles aventures devaient plaire aux hommes du XVe siècle, à ceux qui avaient vu les Hunyade, les George de Podiebrad, conquérir une couronne par le droit de l’intelligence et du courage, comme le petit-fils du boucher de Paris. M. Henri Kurz, dans son Histoire des lettres allemandes va jusqu’à comparer cette naïve bibliothèque populaire, où Hug Schapeler occupe le premier rang, à la littérature hardiment réformatrice du XVIIIe siècle.

Il était bien temps que le poème de Hugues Capet, adopté depuis quatre cents ans par l’Allemagne, fût restitué au pays qui en a inspiré les dramatiques peintures. Ces bourgeois qui disent au souverain : « Tu es sorti de nos rangs ; » ce roi si brave, si hardi, si loyal, éprouvé par tant de périls et toujours sauvé par son peuple ; cette démocratie naïve en son dévouement, mais fière et incapable de servilité, tout cela est bien à nous. Les défauts mêmes du livre le marquent à notre empreinte. On doit des remercîmens à M. le marquis de La Grange pour le soin qu’il a pris de publier ce vieux texte et d’en rendre la lecture commode. Un sommaire habilement rédigé permet de suivre sans peine les aventures du roi Hugues et de la reine Marie. Je ne pense pas, il est vrai, que le studieux éditeur ait réduit la critique au silence. L’introduction, quoique savante, manque parfois d’exactitude. Pourquoi M. le marquis de La Grange écrit-il dans une note que le célèbre manifeste de Dante, de Monarchia, est dirigé contre l’empereur d’Allemagne Henri de Luxembourg ? Comment peut-il oublier que le de Monarchia est placé aujourd’hui par la critique la plus compétente dans une période bien antérieure à l’avènement de Henri ? Comment oublie-t-il surtout, et ici la méprise est plus grave, que Henri de Luxembourg, loin d’être un adversaire d’Alighieri, était le représentant de son système, que l’exilé de Florence l’appelait en Italie avec des cris d’enthousiasme, qu’il lançait aux villes guelfes insurgées contre l’empereur des malédictions effroyables, et qu’enfin, l’expédition de Henri ayant échoué, il vengea son héros en lui décernant une des plus glorieuses places du Paradis ? Quel est le personnage qui brille comme une étoile dans les cercles supérieurs du