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REVUE DES DEUX MONDES.

toute la portée. Le parlement pouvait n’être considéré que comme une représentation incomplète du pays par suite de la retraite absolue et systématique des progressistes ; le congrès a été dissous, et des élections générales vont se faire. En un mot, il y a un effort visible pour relever la politique de l’Espagne, et M. Gonzalez Bravo, le nouveau ministre de l’intérieur, résumait cette politique dans ces trois mots significatifs d’une circulaire aux gouverneurs des provinces : « la constitution, la loi et le droit. » Il n’y a point certes de meilleur programme pourvu qu’il soit résolument appliqué.

Et voyez ce qui en résulte : ces simples promesses d’un gouvernement plus libéral et d’une direction plus ferme ont produit un certain apaisement. On redoutait le retour de la reine Christine, c’était comme un fantôme qui pesait sur tous les cabinets : la reine-mère est rentrée en Espagne, et cela n’a produit vraiment aucune révolution. On a fait cesser les poursuites contre les journaux, on a rendu à la presse une certaine liberté, on a mis fin à l’internement du général Prim : quel désordre s’en est suivi ? où donc est le danger ? La monarchie de la reine Isabelle est-elle moins en sûreté parce que les journalistes ne sont pas traduits devant les conseils de guerre ? Les partis au contraire sont dans une paix relative ; il y a tout au moins une trêve momentanée. Cela ne veut point dire assurément que toutes les luttes soient finies et que toutes les difficultés soient vaincues ; mais ce qui est certain, c’est qu’on ne peut soutenir ces luttes et dénouer ces difficultés dans la politique extérieure comme dans la politique intérieure que par un large système de libéralisme pratiqué résolument, non avec faiblesse et indécision, mais avec autorité et avec une franchise complète. Là est évidemment la paix de l’Espagne, et là est aussi la force du nouveau ministère. Le cabinet du général Narvaez semble vouloir entrer dans cette voie par ses premiers actes. Ira-t-il virilement jusqu’au bout de la pensée qui paraît avoir présidé à sa naissance ? C’est là aujourd’hui la question, et ce moment est décisif pour l’Espagne. ch. de mazade.



REVUE LITTÉRAIRE.


L’intempérance semble aujourd’hui la maladie dominante des âmes et des esprits. Il est clair que l’on a perdu, au moins pour un temps, cet équilibre intellectuel et moral qui fait les bonnes sociétés et aussi les bonnes littératures. Quand le romancier ou le dramaturge prend un type, il ne se contente pas généralement de présenter dans son véritable relief le personnage mis en scène, il l’accuse en traits si saillans, si exagérés, que la peinture, pour ainsi parler, déborde en crevant la toile devant et derrière. La préoccupation d’une thèse absolue fait ici tout le mal ; par un esprit déréglé de généralisation, on se trouve conduit à traiter les choses et les êtres comme ces versets des Écritures dont les prédicateurs tirent à peu près