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REVUE. — CHRONIQUE.

conséquences logiques et positives de la sécularisation finale des états de l’église paraissent lui échapper. Il fait beaucoup cependant, nous le reconnaissons, d’une part en fortifiant l’Italie, de l’autre en rompant enfin la solidarité matérielle qui nous unissait depuis quinze ans à la conservation du pouvoir temporel. Il est utile aux intérêts français de rendre à l’Italie la confiance en elle-même, de lui laisser voir le chemin où elle peut marcher, de la mettre en état de s’organiser et de réparer ses finances. La France souffrait en effet plus qu’on ne se le figure de la situation précaire où s’épuisait l’Italie. La France se sentait jusqu’à un certain point responsable des incidens qui pouvaient se produire en Italie. L’instinct public comprenait que la paix ne pouvait avoir plus de certitude pour nous que pour les Italiens, et que l’avortement des destinées italiennes eût été une confusion pour la politique qui a vaincu à Magenta et à Solferino. Tant que les Italiens ne pouvaient pas voir clairement leur chemin, nous ne pouvions voir nous-mêmes bien loin devant nous. Les capitaux français se sont si abondamment et si volontiers associés au crédit et aux entreprises du nouveau royaume, que les embarras financiers de l’Italie entretenaient chez nous un véritable malaise. Enfin les combinaisons politiques que l’on a laissé se former au nord de l’Europe marquaient l’opportunité des arrangemens que nous venons de prendre avec le nouvel état méridional et méditerranéen dont nous avons secondé la fondation. L’opportunité, avec ses pressantes exigences, se joignait aux raisons essentielles et permanentes qui nous commandaient ce rapprochement décisif. La politique négative que nous avons adoptée vis-à-vis de Rome est également justifiée par nos intérêts et par notre droit. Personne, même parmi les plus fanatiques partisans du pouvoir temporel, n’a jamais dû croire que notre intervention pût être éternelle. À maintes reprises, la politique française, comme elle vient de le faire dans la récente dépêche de M. Drouyn de Lhuys, a exprimé la douleur que lui causait l’incompatibilité de ses principes avec ceux que le gouvernement romain pratiquait obstinément sous la protection de nos armes. Le gouvernement français ne va point jusqu’à exécuter de ses propres mains la séparation du temporel et du spirituel. Il se contente de laisser la cour de Rome à elle-même en lui offrant la faculté de pourvoir aux moyens matériels de son existence. Que le gouvernement pontifical, puisqu’il veut être une souveraineté temporelle, soit soumis aux chances, aux responsabilités, à la destinée de toutes les autres souverainetés politiques ; qu’il soit jugé par ses seuls mérites, qu’il ne vive que de sa propre force, et, s’il ne peut vivre par lui-même, qu’il se résigne au sort de tous les gouvernemens qui ne savent et ne peuvent point se conserver. Nous ne doutons point que dans ces conditions nouvelles l’existence du pouvoir temporel ne crée encore dans l’avenir de graves difficultés politiques et ne donne lieu à de vives émotions d’opinion ; mais quelles que soient désormais les vicissitudes de la question romaine, tant que l’Italie tiendra sa parole, la France est dégagée vis-à-vis de Rome de toute responsabilité. Il