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tenu par la convention du 15 septembre, équivaut, pour l’Italie, à l’octroi d’un immense contingent militaire et financier. C’est comme si la France venait alléger les charges de l’Italie de cent mille hommes et de cent millions, puisque la conclusion de la convention doit permettre à l’Italie de renvoyer cent mille hommes et de diminuer de plus de cent millions sa dépense annuelle. Cette sécurité générale et ces avantages matériels ne sont point les seules conséquences avantageuses des nouveaux arrangemens. L’état de choses créé par la convention doit donner des élémens intéressans et durables à la direction des esprits. L’Italie n’est plus réduite à penser vaguement, au hasard et à bâtons rompus, selon le caprice des accidens, sans suite réelle, sans moyens pratiques, en fatiguant et usant en vain sa force morale tantôt à Venise, tantôt à Rome. Des voies simples, pratiques, régulières, s’ouvrent au mouvement de l’opinion. De deux choses l’une : ou c’est la guerre, ou c’est une paix d’une certaine durée qui sortira de l’état actuel de l’Europe. Si, ce qu’à Dieu ne plaise, c’est la guerre, l’Italie pourra songer à l’affranchissement avec les moyens réguliers et puissans que présentera l’alliance française. Si, suivant nos vœux et nos espérances, c’est la paix, l’Italie aura, pour occuper ses pensées et concerter sa politique intérieure, l’intéressant spectacle de l’expérience qui va commencer à Rome. Elle aura la certitude de faire tourner l’expérience à son profit, si elle règle avec sagesse son organisation intérieure, et si elle se sert des avantages que lui procure son nouveau lien avec la France pour ordonner et affranchir ses finances. En un mot, les arrangemens du 15 septembre rendent à l’Italie tous les élémens d’une saine et forte vie politique.

Les compensations qui sont demandées aux Italiens paraissent bien légères quand on les compare à des avantages si considérables et si décisifs. Il faut reconnaître avant tout qu’aucune de ces compensations ne restreint la liberté actuelle de l’Italie, ne fait violence à l’indépendance de sa politique, qu’elles émanent au contraire naturellement des intérêts bien compris et de l’initiative sagement exercée de la politique italienne. La translation de la capitale et l’engagement de n’attaquer ni de laisser attaquer les possessions actuelles du saint-père n’imposent aux Italiens aucun sacrifice présent, et découlent logiquement des résolutions antérieures prises par eux. Une ville digne de la sympathie universelle, la ville de Turin, est l’unique portion de l’Italie à laquelle le nouvel état de choses puisse causer un réel dommage. On ne saurait trop vivement regretter que la cité qui a en quelque sorte appelé et conduit l’Italie à l’indépendance soit la seule à laquelle le succès de l’œuvre nationale doive infliger des pertes sensibles ; mais, toute part faite à la légitime douleur de la capitale du Piémont, il n’en reste pas moins vrai que Turin même avait prévu et accepté d’avance l’abdication qui lui est aujourd’hui demandée. Les autres métropoles italiennes. Milan, Florence, Naples, avaient fait, elles aussi, à l’unité nationale le sacrifice de leurs intérêts locaux et des avantages que procure le