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se servant de ses facultés pour se perfectionner soi-même et pour faire du bien aux autres. C’est là notre première carrière à tous, celle que la Providence impose généralement aux hommes et aux femmes, leur créant ainsi, par l’égalité de la destinée, des droits égaux à.une bonne et solide éducation.

Le plus grand besoin de la société en tout temps, et aujourd’hui plus que jamais, est de fortifier les mœurs, et le moyen le plus efficace d’y parvenir est de donner une bonne éducation aux femmes, pour que le mari puisse aimer son intérieur, et que l’enfant trouve auprès de sa mère, avec les soins du corps, la nourriture de l’âme. En bonne logique, on devrait pourvoir d’abord aux nécessités de l’instruction primaire ; on ne réglerait qu’ensuite le reste du budget. Il faut bien comprendre qu’il s’agit pour le pays de grands sacrifices d’argent. Ce serait une faute de le dissimuler, parce que c’est une honte d’en avoir peur. On n’économise pas sur les besoins intellectuels du peuple[1] ; on n’économise pas sur la morale. Quelques centaines de mille francs votés par pudeur ou épargnés par industrie ne sont qu’une aumône avec tous les inconvéniens de l’aumône. Par de pareils moyens, on soulage quelques misères, on ne transforme pas une situation. Il est plus que temps de prendre un grand parti. L’enseignement primaire des filles n’est pas à améliorer, il est à créer.


JULES SIMON.

  1. Les dépenses de la guerre représentent les 275 millièmes du budget total, et les dépenses de l’enseignement n’en représentent que les 11 millièmes.