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par indifférence. Ce changement, de plus en plus marqué, est de bon augure, et semble annoncer une renaissance morale. La révolution est déjà faite dans tous les esprits qui pensent ; elle ne. l’est pas dans les habitudes, parce qu’il y a désaccord entre l’opinion des hommes et celle des femmes. C’est là peut-être une question de quelque intérêt. On passe à côté d’elle sans y regarder, un peu parce qu’il y a du péril à s’en occuper, un peu aussi parce que nous avons vraiment de plus grandes affaires que d’obéir à la logique, de bien élever nos enfans et de sauver le principe sacré de l’autorité paternelle.

Indiquerons-nous du doigt le remède, comme nous avons indiqué le mal ? Le remède ! c’est un grand mot avec lequel on refoule toutes les plaintes. Si vous signalez une misère, au lieu d’y compatir sérieusement et de chercher à la diminuer ou à la guérir, on vous crie de toutes parts : Le remède ! le remède ! Et si vous avouez que vous n’en avez pas, ou même que vous n’avez pas une foi entière, absolue, dans l’efficacité de celui que vous proposez, on vous reproche d’avoir parlé. Il fallait vous taire, il fallait nous laisser dans notre ignorance, dans notre sécurité. Voilà, il faut l’avouer, un sentiment peu philosophique. Ce n’est pas ainsi que pensait Socrate quand il disait que le commencement de la science était de savoir qu’on ne savait rien. Pour nous, nous soutenons d’abord qu’indiquer le mal, c’est commencer à le guérir. Il vaut mieux avouer et même étaler ses ruines que de les plâtrer et de dire : « Admirez ma solidité. » Et quant aux remèdes, il y en a aussi qu’on peut signaler dès à présent, pourvu qu’on se rappelle que les sciences sociales diffèrent de la géométrie, et que les conclusions philosophiques ne se démontrent pas avec la même rigueur que les conclusions mathématiques. C’est la gloire de la philosophie, car c’est la preuve qu’elle a pour matière la liberté humaine, qu’il est impossible de soumettre aux règles du calcul. — Voici donc les remèdes, car il y en a deux. Il faut demander l’un à la loi et l’autre à la science. Demandons à la loi, en matière philosophique et religieuse, de ne pas intervenir, de ne créer d’entraves pour rien, ni de privilèges pour personne. Demandons à la science d’opposer la foi à la foi, c’est-à-dire une force à une force, et non pas l’indifférence à la foi, c’est-à-dire une faiblesse à une force. Il semble à des esprits sans portée que l’indifférence et la foi vivront bien ensemble, parce que l’une exige et que l’autre cède ; mais céder à une croyance sans l’accepter, c’est ne pas être. La paix entre deux âmes est possible quand elle est fondée sur l’identité de foi, elle est encore possible quand elle est fondée sur le respect