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établissemens à 9 écoles normales et 52 cours normaux, et celui des élèves à 1,541.

Plus des deux tiers des élèves-maîtresses sont instruites dans les cours normaux, qui ne sont que des établissemens d’une importance secondaire. On doit souhaiter, on ose à peine espérer la création d’un plus grand nombre d’écoles. Il est clair qu’en matière d’enseignement un bon personnel vaut mille fois mieux que de bons règlemens, et que le plus sûr moyen d’avoir un bon personnel, c’est de le préparer dans des écoles normales ; seulement il ne faut pas oublier qu’une école normale se compose de maîtresses et d’élèves. On aura des maîtresses à la rigueur en faisant de très légers sacrifices, car les institutrices, même les plus capables, ne sont pas très exigeantes ; mais, pour obtenir des élèves, il faut avoir une carrière à leur offrir. Un tiers des institutrices communales gagnent, tout compris, 90 centimes par jour ; ce n’est pas là, on en conviendra, un grand motif d’attraction. Pour gagner ce modeste salaire, il faut enseigner à lire et à écrire à de petits enfans tous les jours pendant six heures ; c’est une occupation assez fatigante. Il n’y a pas d’espoir d’avancement, car une institutrice qui demande une meilleure école a tout juste la même chance de l’obtenir qu’une jeune fille sortant de l’école normale, et même plus elle vieillit, plus ses chances diminuent, car on s’use vite dans cette vie de privation et de labeur. Et pourquoi le conseil municipal donnerait-il la préférence à une maîtresse déjà épuisée ? Sans argent ni avancement, l’institutrice a-t-elle au moins, dans sa pauvre école, la sécurité, la dignité ? Pas du tout : elle dépend de tout le monde, du maire, du curé, de l’inspecteur, des parens. Le curé n’a même pas besoin de provoquer sa destitution ; il n’a qu’à dire un mot pour la ruiner, ou bien encore il peut appeler des sœurs, et c’en est fait de l’école laïque. Telle est la position qu’une fille de vingt ans ira chercher dans un village où elle n’a ni parens ni amis, où peut-être elle ne trouvera personne qui puisse causer avec elle des choses Auxquelles elle s’intéresse, aucune femme qui sache lire ! Il est vrai qu’on lui promet une retraite, comme à l’instituteur, après trente ans de service et soixante ans d’âge. Soixante ans d’âge ! le législateur n’y a pas pensé. Il ne sait pas ce que c’est que de faire l’école pendant trente ans pour dix-huit sous par jour. Et sur quoi sera-t-elle fondée, cette retraite ? Sur un revenu annuel de 340 francs ? Elle ne sera pas de cinq sous par jour.

Qu’arrive-t-il ? C’est que les écoles normales manquent d’élèves, et que les institutrices laïques, ou du moins les institutrices capables, font absolument défaut dans les campagnes. On n’y trouve que de malheureuses femmes que la perte de leur mari et la destruction