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nous nous bornerons à mettre les faits sous les yeux du public.

Nous avons en France 37,874 écoles publiques de garçons et seulement 13,991 écoles publiques de filles[1], différence en faveur des écoles de garçons, 23,891. 37,500 communes et 13,991 écoles de filles, cela fait, en supposant une seule école de filles par commune, ce qui n’est pas entièrement exact, 23,509 communes où les écoles de filles font défaut. Il est vrai que les filles ont la ressource des écoles mixtes : 18,147 écoles reçoivent à la fois des garçons et des filles. L’instruction est donnée dans ces écoles à environ 360,000 filles. Il est difficile de ne pas le regretter. Dans quelques pays du nord de l’Europe, on accepte volontiers le principe des écoles mixtes ; il n’en saurait être de même chez nous, où les inconvéniens sont nombreux et depuis longtemps signalés. À l’origine même de la révolution, le rapport de M. de Talleyrand témoigne des appréhensions qu’inspiraient les écoles mixtes. L’ancien évêque d’Autun tolère la présence des filles dans les écoles de garçons, mais seulement depuis six ans jusqu’à huit. À peine son rapport était-il déposé, que les maîtres de pension de Paris publièrent un mémoire où ils comparent ces pauvres filles de six à huit ans à des brebis abandonnées au milieu des loups[2]. Ces loups étaient des garçons dont les plus âgés n’avaient que treize ans. On aurait pu demander avec plus de raison au rapporteur ce qu’il faisait des filles après ces deux années d’école, et si c’était bien la peine de violer une règle essentielle pour un résultat si évidemment insignifiant. Malgré les louables efforts de la restauration pour supprimer les écoles mixtes[3], il résulte du rapport de M. Lorain qu’elles étaient

  1. Les statistiques ne donnent que 13, 766 ; nous avons conclu le chiffre de 13,991 des termes de l’Exposé de la situation de l’Empire, qui déclare, p. 70, que, les émolumens des institutrices publiques s’élevant à 9,169,020 fr. 59 c, la moyenne est de 665 fr. 33 c.
  2. « Lorsque nos sages et bonnes lois auront ramené nos mœurs à leur ancienne simplicité, à leur pureté originaire, enfin lorsque nous verrons revivre l’âge d’or parmi nous, peut-être verrons-nous aussi, comme nos fortunés aïeux, le tendre agneau bondir et se jouer au milieu des loups, qui auront oublié leur ancienne voracité ; nous serons alors sans inquiétude, comme M. de Talleyrand, sur le mélange des sexes. » — Observations sur le rapport que M. de Talleyrand-Périgord, ancien évêque d’Autun, a fait à l’assemblée nationale les 10, 11 et 17 septembre 1791, suivies, d’un Plan d’instruction primaire nationale, présentées à l’assemblée nationale par les maîtres de pension de Paris, 1791.
  3. Voyez l’article 32 de l’ordonnance du 29 février 1816. Dans une instruction, en date du 20 mai 1816, relative à l’exécution de cette ordonnance, M. Laisné, ministre de l’intérieur, s’exprime ainsi sur le même sujet : « Aux termes de l’article 32, les garçons et les filles ne doivent pas être réunis pour l’enseignement. Quoique cette disposition soit dans l’ordre des convenances et dans l’intérêt des mœurs, il est possible