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plus rapprochées du littoral qu’on ne le croyait jadis, et les colons occupent déjà la plus grande part des déserts qui étaient réputés inhabitables. Ainsi la contrée qui s’étend au nord d’Adélaïde, et que les explorateurs s’accordaient à représenter comme recouverte d’efflorescences salines ou de maigres arbrisseaux desséchés, est déjà envahie par les squatters, qui retrouveront bientôt au-delà de ce canton désole une végétation moins pauvre et des terrains moins arides. On peut juger dès à présent qu’il n’existe pas à l’intérieur de l’Australie des obstacles naturels assez puissans pour arrêter l’expansion des établissemens européens. L’occupation complète du territoire n’est qu’une affaire de temps, et ne se fera pas longtemps attendre, si la colonisation progresse avec la même vigueur que depuis trente ans.

Les paysages de l’Australie centrale présentent partout une singulière uniformité. Rien n’est monotone comme les descriptions que les explorateurs en ont faites. Sur un sol jaunâtre et de triste aspect croissent çà et là quelques arbres rabougris, des gommiers, des acacias, qui n’atteignent jamais un grand développement. Des buissons épineux, des arbustes grêles couverts de baies ou de petits fruits amers, occupent les terrains médiocres. Là où la terre est meilleure, on rencontre des herbages de nature diverse, depuis l’herbe de porc-épic, qui peut à peine nourrir les bestiaux, jusqu’à l’herbe de kangurou, l’espèce la plus recherchée, la véritable richesse de ces contrées.

La faune australienne n’offre pas plus de variété. Le kangurou, le plus grand des mammifères indigènes, est aussi le plus abondant. Animal timide et inoffensif, il vit en troupes nombreuses au milieu des buissons. Le chien sauvage, vulgairement appelé dingo, est plus redoutable. Assez semblable au chien de berger ou à un renard de grande taille, il n’aboie jamais et pousse seulement de mélancoliques hurlemens. C’est le fléau des troupeaux, autour desquels il rôde pendant la nuit, profitant du moment où l’homme est éloigné pour égorger ou blesser toutes les bêtes qu’il peut saisir. Cet animal étant le seul quadrupède indigène qui n’appartienne pas à l’ordre des marsupiaux, on supposait qu’il avait été introduit en Australie à une époque relativement récente. Cette hypothèse a été détruite par la découverte récente de chiens fossiles dans certains terrains d’alluvion. Les espèces d’oiseaux sont un peu plus nombreuses. Le plus grand d’entre eux, l’outarde, montée sur de grandes jambes et presque dépourvue d’ailes, ressemble assez à l’autruche et est conformée, de même que celle-ci, de manière à parcourir avec rapidité les grandes plaines où elle cherche sa nourriture. La chasse de l’outarde et celle du kangurou sont les exercices favoris des