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marché. Il y a rarement des hangars pour abriter les animaux pendant la mauvaise saison ; chevaux, bœufs, vaches et moutons passent d’habitude l’année entière sur les pâturages. Le colon a soin d’établir sa demeure, son home, sur des terres propres à la culture, et il achète le plus tôt possible la nu-propriété du terrain environnant, afin d’avoir la certitude de n’en être point dépossédé au premier jour. Il peut donc y faire quelques travaux d’amélioration, défricher le sol, planter des arbres à fruit, créer un jardin et cultiver les légumes d’Europe pour l’alimentation quotidienne de sa petite colonie[1].

Les limites des concessions sont toujours assez incertaines. Quand elles ne sont pas marquées naturellement par une rivière ou par une chaîne de montagnes, on se contente le plus souvent de les indiquer par un trait de charrue. Les gouvernemens locaux encouragent maintenant les concessionnaires à clore la surface entière de leur run par des barrières en bois, et ils accordent des baux de plus longue durée à ceux qui exécutent ce travail. Dans les stations d’une grande étendue et très éloignées des centres de population, ce serait une dépense considérable et peu utile ; mais ceux qui ont une concession restreinte ou qui sont voisins des villages et des mines d’or y trouvent de sérieux avantages. Les troupeaux, parqués dans des enclos, sont mieux gardés et plus aisément surveillés ; on a moins de peine à les préserver des maladies contagieuses, et on tire un meilleur parti des pâturages. Ceci est déjà une exploitation perfectionnée, qui ne convient pas à tout le monde, ni surtout aux établissemens de création récente. D’ordinaire les moutons sont simplement divisés en troupeaux de 2,000 à 3,000 têtes, et chacun d’eux, confié à la garde d’un ou de deux bergers, est cantonné sur une partie du run. Ces bergers, qui sont quelquefois éloignés de deux à trois heures de chemin de la station principale, vivent dans la plus complète solitude, sous la hutte qu’ils se sont construite, ne recevant qu’une fois la semaine l’approvisionnement de farine, de thé et de sucre que le maître leur fournit[2]. Il y a en plus sur chaque station des contre-maîtres qui visitent les troupeaux de temps en temps et veillent à ce que les bergers changent de place à mesure que les pâturages sont épuisés. Ce sont eux encore qui vont à la recherche des animaux égarés ou volés et qui font la

  1. Le concessionnaire ne peut cultiver, sur les terres affermées comme pâturages, que les céréales et les légumes nécessaires à sa consommation personnelle. S’il fait trafic de ces denrées, il est obligé d’en acheter le sol ou d’en payer un fermage plus élevé.
  2. En ces dernières années, les gages des bergers variaient de 800 à 1,000 francs par an, outre la nourriture, ce qui prouve que la main-d’œuvre n’est plus à un prix excessif dans les colonies australiennes.