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des terres. En vertu de cette loi, votée en 1858 par le parlement de l’Australie méridionale, sur l’initiative de M. Torrens, dont elle porte le nom, et étendue depuis aux autres provinces, il a été établi un grand-livre de la propriété territoriale, sur lequel tous les domaines sont inscrits avec l’indication des emprunts et de tout ce qui peut affecter l’état de la propriété. Un duplicata en est délivré à chaque propriétaire pour ce qui le concerne. Grâce à ce système, le transfert des biens s’opère avec une facilité merveilleuse.

Après avoir examiné l’œuvre de la colonisation dans ses rapports avec l’état, il faut se transporter aux limites des districts occupés pour étudier les travaux et les mœurs des squatters. Lorsqu’il s’est avancé à une grande distance du littoral, le pionnier n’est plus guère gêné par les lois et par la compétition des autres colons. Monté sur une haute colline, il peut dire de tout l’espace qui l’environne, aussi loin que ses regards s’étendent : « Tout cela est à moi ; » mais il est seul, sans autres ressources que lui-même, au milieu du désert, et puis il a les indigènes devant lui. La scène change ; ce n’est plus une lutte légale entre des hommes habitués par leurs mœurs et leurs traditions à discuter librement leurs affaires : c’est la lutte de la civilisation contre la barbarie et de l’énergie humaine contre la nature.


II

Lorsqu’un colon veut créer une station nouvelle dans les terrains vagues du bush, il traverse tout le pays qui est déjà occupé, s’arrêtant chaque soir dans une station ou sous la hutte d’un berger où il reçoit, avec l’hospitalité la plus cordiale, des renseignemens utiles sur la contrée dont il aspire à être l’un des pionniers. Parvenu aux limites du territoire déjà concédé, il explore les plaines et les vallées qui sont encore libres, il examine si les ruisseaux sont abondans, il s’informe auprès des colons voisins du nombre et des dispositions des indigènes qui occupent la contrée, et enfin il se choisit un canton à sa convenance, prenant pour limites soit une rivière, soit une chaîne de montagnes, soit un terrain stérile ou une forêt. Veut-il élever par exemple 20,000 moutons, il se mesure un run de 500 kilomètres carrés, plus ou moins, eu égard à la fertilité du sol et à l’abondance des eaux. Il retourne alors à la ville où résident les ingénieurs chargés du cadastre et de la concession des terres, et, après avoir fourni la preuve qu’il possède les troupeaux suffisans ou le capital nécessaire à l’achat du bétail, il obtient le droit d’occuper en qualité de fermier, et moyennant une redevance annuelle, les terres dont il a fait choix. Toutes les formalités sont accomplies. Le