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d’une peau de vache. Son costume était simple. Il avait la tête des Wahuma ; son nez saillant se détachait sur une figure ovale. Sa taille était élevée et l’ensemble de sa personne imposant. Le capitaine Speke prit la parole, et, après quelques complimens, lui dit qu’il était venu reconnaître les sources du Nil et en étudier le cours, parce qu’il avait conçu le dessein d’ouvrir une voie de communication par laquelle ses compatriotes viendraient faire des échanges avec ses sujets, au grand avantage des deux pays. Le roi lui répondit qu’il était charmé de le voir, lui et son compagnon, car il n’avait pas cru ce qu’on lui avait assuré, qu’ils buvaient les sources des rivières, puisqu’il ne s’était pas aperçu que celles qui viennent de l’Uganda eussent diminué le moins du monde. On avait ajouté, il est vrai, qu’il fallait leur servir trois fois par jour les parties les plus délicates du corps humain ; mais il avait pensé que, dans l’Uganda, ils auraient tout le temps de se rassasier de ces alimens, et dans tous les cas il ne permettrait jamais que l’on mît à mort aucun de ses sujets pour fournir leur table. Du reste, il était heureux de voir que, bien qu’ils eussent des figures blanches et des cheveux lisses, ils avaient des pieds et des mains comme les autres hommes. Il examina ensuite les présens que le capitaine avait fait déposer à ses pieds sur une peau de léopard. Le roi lui demanda qui gouvernait l’Angleterre. — Une femme, répondit-il. — A-t-elle des enfans ? — Oui, et en voici deux, repartit Bombay en montrant les voyageurs. Malgré cet accueil amical, ils restèrent deux mois dans leur prison sombre, humide, malsaine, placée au milieu d’un marais peuplé de crocodiles. Il paraîtrait que Kamrasi leur avait assigné cette cachette pour les soustraire aux recherches d’un détachement de guerriers de l’Uganda, qui avait ordre de les enlever pour les ramener à Mtesa. Ils ne purent ni chasser ni faire d’excursions sur le Nil ou dans les environs. Ils avaient à cœur de se rendre au lac Luta-Nzigé, dont ils n’étaient éloignés que d’une trentaine de lieues, pour en déterminer la position géographique et s’assurer si les renseignemens qu’on leur avait donnés sur ce réservoir régulateur des eaux du Nil étaient fondés ; mais Kamrasi leur refusa l’escorte dont ils ne pouvaient se passer pour faire ce voyage. Il ne les présenta jamais à aucun membre de sa famille, bien que le capitaine lui en eût souvent manifesté le désir. Kamrasi ne s’occupait de ses hôtes que pour les dépouiller. Il était parvenu, à force de ruse et de mensonge, à s’emparer du beau chronomètre du capitaine, et dans une visite officielle il lui demanda la presque totalité des objets qui lui restaient comme un juste retour de l’insigne honneur qu’il lui faisait de venir dans sa tente. Il lui fut répondu qu’on ne pourrait se séparer de ces objets que le jour du départ, lequel serait fixé par l’arrivée de Bombay, car les voyageurs avaient jugé prudent d’envoyer