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expéditions, il est à remarquer cependant qu’elles n’ont jamais eu pour mobile principal les recherches scientifiques. La science en réalité n’y a pas beaucoup gagné. Sauf les observations astronomiques, qui sont indispensables pour se piloter dans le désert, les voyageurs ne se sont guère préoccupés d’étudier les pays qu’ils traversaient. Leurs entreprises avaient, on le sait, un but plutôt industriel que scientifique. Ouvrir de nouveaux espaces à l’industrie pastorale et de nouvelles voies au commerce, découvrir des districts aurifères, telles étaient les préoccupations dominantes. Ces recherches d’une utilité pratique portaient en elles-mêmes leur récompense. Les colons ont toujours rémunéré largement l’explorateur qui livrait de nouveaux terrains à leur activité. Il en est qui ont fait fortune à voyager dans le désert comme d’autres à élever des.moutons ou à creuser les mines d’or. Plus tard viendront sans doute les savans qui étudieront mieux le pays et ses productions. Néanmoins, quelque vagues et incomplets que soient les récits de voyages, il est possible de se former dès à présent, d’après les indications qu’ils fournissent, une idée assez nette de la géographie physique du continent austral. Quels sont le climat, la configuration du sol et les ressources naturelles de l’Australie ? Quels sont les caractères dominans qui la distinguent des autres terres du globe ? Telles sont les questions qui se posent naturellement. En étudiant cette contrée à ces divers points de vue, on comprendra mieux les obstacles que les émigrans ont rencontrés et les causes qui ont favorisé leurs progrès.


III

On est généralement d’accord pour attribuer une grande part de la prospérité d’un peuple aux conditions physiques au milieu desquelles il se développe. L’étude de ces conditions offre un intérêt plus particulier encore quand il s’agit d’un continent comme l’Australie, où les représentans les plus extrêmes de la race humaine, les plus dégradés et les plus civilisés, sont en présence. Comment ceux-ci prospèrent-ils dans le pays même où les autres n’ont pu ni se multiplier ni s’élever aux plus modestes jouissances de la vie commune ? Qu’est-ce qu’une contrée où des voyageurs meurent de faim dans le désert, et où cependant s’improvisent en trente ans des villes comme Melbourne avec cent cinquante mille habitans ? La civilisation, après avoir passé lentement et par l’effort de vingt siècles, de l’Euphrate en Grèce, de la Grèce à Rome, de Rome à l’Europe occidentale, va-t-elle franchir les océans par un bond prodigieux et atteindre chez nos antipodes ses extrêmes limites ? ou