Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se trouvaient abandonnés. Ils descendirent lentement la vallée du Cooper dans cette direction, en emportant les provisions qui leur avaient été laissées. Bientôt les deux chameaux périrent ; l’eau, les alimens, tout manquait à la fois aux malheureux voyageurs. Ils rencontrent une tribu indigène qui partage avec eux leur nardou, espèce de cryptogame dont les petits grains, écrasés entre deux pierres et transformés en farine, fournissent un assez bon aliment. Au bout de quelques jours, les trois Européens n’eurent même plus la force de broyer leur nourriture journalière. Désespérant de parvenir jamais jusqu’au Mont du Désespoir, ils revinrent près de l’ancien dépôt, et enfouirent dans la cachette qu’ils avaient déjà ouverte la relation de leurs dernières pérégrinations. C’était leur testament ; épuisés par les fatigues et les privations, ils allaient périr d’inanition. Burke mourut le premier ; Wills ne lui survécut que de quelques jours ; quant à King, il réussit à se faire admettre dans une tribu d’indigènes. Ces hommes, dont tant d’autres voyageurs avaient eu à se plaindre, l’accueillirent avec bienveillance, le soignèrent de leur mieux, le nourrirent, comme ils se nourrissaient eux-mêmes, de nardou et de poissons. Au mois de septembre, une petite troupe, envoyée de Melbourne à la recherche des voyageurs perdus, vint enfin l’arracher à cette vie sauvage à laquelle il allait succomber. Cette expédition rendit ensuite les derniers honneurs à Burke et à Wills, qui gisaient encore aux lieux où ils étaient tombés, recueillit leurs papiers et tous les souvenirs de cette longue et cruelle agonie, fin déplorable d’un voyage entrepris sous les meilleurs auspices. La colonie de Victoria fit rapporter à Melbourne les restes de Burke et de Wills, vota des fonds considérables pour élever un monument à leur mémoire, et honora par des funérailles publiques ces hommes qui étaient tombés dans la fleur de l’âge, victimes de leur amour pour la science et les découvertes. La Société royale de géographie à confirmé depuis ces témoignages de la reconnaissance publique en décernant aux héritiers de Richard O’Hara Burke sa grande médaille d’or, la plus haute récompense que puisse accorder cette société savante.

Les voyages de Stuart et de Burke font époque dans l’histoire des explorations de l’Australie : tous deux ont réussi à traverser cet immense continent que l’on regardait avant eux comme impénétrable, et y ont acquis une juste célébrité. Auquel des deux revient la plus grande part de mérite ? C’est une question qu’il n’est peut-être pas hors de propos d’examiner ici. Au moment où Burke se mettait en route, Stuart avait déjà dépassé le centre ; il avait pénétré bien plus loin jet n’avait été arrêté que par l’hostilité des indigènes. L’année suivante, dans son second voyage, lorsque son rival