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ne peuvent être bien placés que dans les mains d’une régie dont les intérêts seraient distincts de ceux des usagers, et conséquemment à l’abri de tout soupçon de préférences abusives. Des compagnies spéciales plutôt que des compagnies mixtes, telle est la forme indiquée. Moins de servitudes dans leurs statuts et dans leurs actes constitutifs n’est pas une condition moins essentielle. L’état n’a aucun motif de ne se dessaisir qu’à moitié, quand une compagnie se suffit à elle-même et ne demande d’autre faveur que la faculté d’agir. C’est le cas ou jamais d’abréger les lenteurs et de ramener un cahier des charges à ses termes les plus simples.

Que faudrait-il attendre de ces travaux hydrauliques, largement répartis, en ne tenant compte que de l’effet produit sur la culture du coton, agrandie et améliorée ? Les résultats obtenus dans un cadre réduit, sur les terres aujourd’hui irrigables, vont nous le dire. Avant de rien citer, il faut noter d’où viennent les observations. La source principale en est dans les déclarations des planteurs, qui ne sont pas toutes vérifiées. Elles varient suivant l’intérêt qu’ils y ont. Il en est dans le nombre qui sont d’une exagération évidente. Ainsi, dans le bassin de l’Habra, et sur un champ de 22 hectares, un bénéfice net de 70,000 francs aurait été réalisé, c’est-à-dire l’équivalent de 3,200 francs l’hectare. Ce serait le chiffre le plus élevé obtenu par des bras européens, et à plus d’un titre il doit rester suspect. Peut-être est-ce le fruit d’une association de colons dans laquelle la main-d’œuvre n’aura pas été comprise. Ailleurs une autre combinaison prévaut, et ce n’est pas la moins curieuse. Dans le caïdat de l’Edough, les bras arabes se sont associés avec des capitaux européens, et la liquidation a eu lieu dans les termes convenus, sans embarras ni chicanes. Ici le produit net descend ; il n’est plus que de 1,100 à 1,200 francs l’hectare ; un seul petit lot s’élève à 3,800 francs l’hectare : ce n’est plus de la culture, c’est du jardinage. On conçoit que de tels bénéfices aient donné aux indigènes le goût de ces cultures ; 50,000 fr. avaient été partagés dans la première campagne, et c’était entre les membres de la tribu à qui y serait désormais admis. Des démêlés auraient pu naître ; il y a eu transaction. De collective, l’exploitation est devenue individuelle. Le sol de l’Edough est aujourd’hui un échiquier avec des parcelles de 1 ou 2 hectares réparties entre 375 familles. Cette circonstance est à remarquer. Il a suffi de l’appât du gain pour briser la jouissance en commun sur laquelle repose de temps immémorial la propriété arabe. Sans pression, sans violence, le lien s’est relâché de lui-même devant un intérêt démontré ; par la force des choses, il s’est fait sur ces terres vagues un cadastre naturel.