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quel prix, on résolut de produire le coton sur une grande échelle, et on songea naturellement à l’Algérie, qui est notre jardin d’essai. Rien ne fut épargné pour stimuler le zèle du colon et éloigner de son chemin jusqu’à l’ombre d’un risque. La première forme d’encouragement fut une distribution gratuite de semences ; elle n’eut qu’un médiocre succès. La seconde frappa plus juste : l’état se porta acquéreur des produits, et par suite garant des bénéfices de l’exploitation. À une prime de 100,000 francs accordée par la liste civile vinrent s’ajouter des prix provinciaux de 2,000, 3,000 et 5,000 francs pour les planteurs, désignés par un concours annuel. Plus tard, ce régime d’exception fut confirmé par l’établissement de primes décroissantes et d’une durée déterminée. C’était plus qu’il n’en fallait pour mettre en éveil les industries et les commerces qui vivent d’un traitement de faveur et se portent du côté où il y a quelque chose à glaner sur le trésor. La marge était belle ; de tous les cliens, l’état est celui qui se montre le plus commode. Aussi les planteurs répondirent-ils à son appel : les cultures furent multipliées à l’envi et sur divers points ; la spéculation agissait à coup sûr, les finances publiques faisaient les frais de toutes les tentatives. C’est à cette période que correspondent les chiffres les plus élevés de la production et des producteurs. On semait du coton partout, à l’aventure, dans les terrains qui s’y prêtaient le moins, si bien que l’état dut bientôt regarder de plus près à ses encouragemens. Les achats directs furent supprimés, les primes furent réduites. Il y eut par contre-coup un temps d’arrêt dans ces cultures artificielles ; il est à croire que, sans la crise américaine, elles auraient presque toutes disparu dans une liquidation définitive. Cette crise apportait un encouragement naturel, l’augmentation des prix de vente. Tel est pourtant l’effet d’un régime de faveur, que les colons n’ont pas trouvé dans cette augmentation des prix une compensation suffisante aux premières libéralités du trésor. En vain une fraction des primes accordées à la sortie a-t-elle été maintenue, cet avantage n’a pas suffi pour donner de la vigueur, à une œuvre commencée sous l’énervement du privilège. Nous sommes malgré tout restés stationnaires, tandis que sans primes d’aucune sorte et par le seul fait de la hausse des prix, les autres riverains.de la Méditerranée multipliaient les témoignages de la plus fructueuse activité.

La même impuissance s’est reproduite dans d’autres essais et sous d’autres formes. Il était impossible que, dans la recherche des pays à coton, l’Algérie fut oubliée ; sa réputation était trop bien établie, L’Angleterre fut la première à y songer. Deux compagnies s’y formèrent, l’une pour le bassin de la Tafna, l’autre pour le bassin de l’Habra. La France ne resta pas en arrière : elle eut