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n’avoir pas plus travaillé à purger la tranchée d’une infinité de fautes qui s’y commettent[1]. »

Dans l’affaire de Valenciennes, Vauban pouvait faire valoir pour son propre compte une autre excuse que l’infériorité de sa situation ; une blessure grave l’avait mis, dès le commencement du siège, hors de cause. On le traitait à l’hôpital de Condé lorsque cette place fut tout à coup investie par l’armée qui venait de secourir Valenciennes. Incapable d’agir, Vauban mit au service de la défense tout ce qu’il pouvait lui donner, ses conseils et l’exemple de son énergie morale ; un mois durant, on le vit, couché sur un brancard, visiter tour à tour les points les plus menacés. Le succès eût peut-être couronné la résistance de la garnison sans une dernière et déplorable conséquence des fautes commises devant Valenciennes. « Comme si l’on eût appréhendé de n’avoir pas assez failli[2], » on avait eu l’imprudence de nourrir l’armée qui assiégeait cette place aux dépens des magasins de Condé, de sorte que, lorsque Condé fut assiégé ensuite, les vivres manquèrent, et qu’il fallut capituler par famine. À quelque temps de là, Vauban eut du moins la satisfaction de voir l’ennemi manquer un siège à son tour. Envoyé à Saint-Ghislain, il s’y trouva investi par l’armée qui avait pris Condé. Peu s’en fallut qu’il n’y eût le même sort, car Saint-Ghislain n’avait pas ses magasins mieux pourvus ; cependant, neuf jours après l’investissement, les ennemis s’éloignèrent d’un côté, tandis que de l’autre l’armée de Turenne s’avançait pour ravitailler la place.

De tous ceux qui avaient subi l’échec de Valenciennes, le maréchal de La Ferté était celui qui y avait contribué davantage, et c’était Vauban qui avait le mieux remarqué ses fautes. Le maréchal voulut s’attacher le jeune ingénieur, et lui donna une compagnie dans son régiment. Était-ce pour prendre conseil dans l’occasion, ou simplement pour fermer la bouche à son critique ? Le doute est au moins permis, car lorsqu’il s’agit en 1657 de choisir devant Montmédy le meilleur point d’attaque, le choix fut aussi malavisé que devant Valenciennes : « défaut tout à fait pernicieux, a dit Vauban, car l’assiégeant fournit lui-même à une place fort mauvaise le moyen de lui résister comme une bonne. On fit cette faute au siège de Montmédy, où deux mille hommes furent tués et autant de blessés. Il ne fut pris qu’après quarante-six jours de tranchée ouverte, et il le pouvait être en quinze, s’il eût été bien attaqué[3]. » Dans une seule affaire, Vauban reçut trois blessures ; avant la fin du siège, il fut atteint une quatrième fois. Ces blessures étaient légères, heureusement

  1. Mémoire pour servir d’instruction dans la conduite des sièges.
  2. Expression de Vauban dans le mémoire indiqué.
  3. Mémoire déjà cité.