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actuelle n’est tolérée qu’à cause de la dureté des temps, Si l’on veut se faire une idée des lois qui la remplaceraient, on n’a qu’à considérer celles que l’église impose par le moyen des concordats aux états où les catholiques sont les maîtres et où les résistances libérales sont complètement vaincues. Prenons les derniers concordats conclus par Pie IX en avril 1863 avec la république de l’Equateur et cette année même avec celles de Nicaragua et de San-Salvador. La liberté des cultes et des associations est supprimée. « On ne pourra jamais permettre l’exercice d’aucun culte ni l’existence d’aucune association qui auraient été condamnés par l’église (art. 1). » La liberté de la presse, « cette peste, ce délire, » comme l’appelait Grégoire XVI, est également supprimée. « Les évêques et les ordinaires exerceront avec une pleine liberté le droit qui leur appartient de proscrire les livres contraires aux mœurs ou à la religion. Le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour empêcher la circulation de pareils livres (art. 3). » La liberté d’enseignement n’est pas plus épargnée : « aucun maître ou professeur ne pourra enseigner sans l’approbation de l’évêque diocésain (article 4). » Les tribunaux ecclésiastiques sont rétablis, ils connaissent seuls de tout ce qui concerne les mariages, la foi, les mœurs, les sacremens, etc. « Dans tous les jugemens rendus par les ecclésiastiques, le magistrat civil en assurera l’exécution, ainsi que l’infliction des peines édictées, par tous les moyens en son pouvoir (art. 8). » Les dîmes, « cette institution catholique, » et le droit d’asile, qui protège les criminels réfugiés dans les églises, seront conservés (art. 10 et 11). Tous ordres et communautés pourront s’établir librement, et « le gouvernement prêtera son appui à de pareilles œuvres (art. 20). » Les concordats conclus récemment avec d’autres états d’Amérique, avec l’Espagne, avec l’Autriche[1], renferment des stipulations plus ou moins semblables à celles-ci. Les

  1. Au moment où parut ce concordat, qui est si contraire à l’esprit de notre temps qu’il n’a pu recevoir d’exécution complète même en Autriche, l’évêque de Bruges, le prélat le plus éminent de l’épiscopat belge, ne craignit pas d’applaudir ouvertement à la restauration des abus du passé, u Je me trompe fost, disait-il, ou le concordat conclu récemment entre sa sainteté Pie IX et l’empereur d’Autriche a porté à la politique païenne, au droit public anti-chrétien, une atteinte dont ils ne se relèveront pas. Cet admirable traité a placé dans des conditions nouvelles le rapport des deux puissances. » En prédisant ainsi la chute des libertés modernes, l’évêque de Bruges se trompait. La force que l’Autriche a reconquise, c’est au contraire à la liberté qu’elle la doit.