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royale, ils ont proposé d’étendre le droit de voter en attendant le suffrage universel. Ce serait donc injustement, semble-t-il, qu’on les accuserait d’être rétrogrades ; on pourrait dire plutôt qu’ils ne sont pas même conservateurs. D’où viennent donc alors les incurables défiances et l’hostilité ardente qu’ils soulèvent dans une grande partie de la nation ? Sont-ce, comme on le dit, quelques ambitieux qui, pour obtenir ou pour garder le pouvoir, épouvantent les populations abusées en les menaçant du retour impossible de l’inquisition ou de la dîme et en évoquant sans cesse devant elles le spectre noir ?

Il n’est que juste d’écouter comment les représentans du parti libéral expliquent leur attitude. Vous protestez de votre attachement aux libertés modernes, disent-ils à leurs adversaires, et nous n’avons ni le désir, ni le droit de mettre votre sincérité en doute, quoique nous remarquions que vos amis, qui demandent la liberté là où ils sont en minorité, la refusent partout où ils sont les maîtres et la déclarent impossible dans l’état modèle, à Rome ; mais il ne s’agit point de vos sentimens personnels. Ce qui nous préoccupe, ce sont les principes de ceux qui vous patronnent et vous font nommer. Or il est avéré que sans l’appui du clergé Vous ne seriez pas dix, pas cinq au sein du parlement, car par vous-mêmes vous ne représentez rien ; si vous étiez des conservateurs, vous ne proposeriez pas sans cesse des innovations, et si vous étiez les amis sincères du progrès, vous seriez avec nous, ou nous serions avec vous. Acceptant le patronage du clergé, élus par son influence, vous êtes tenus de favoriser sa domination que vous devez d’ailleurs trouver très désirable pour le bien du pays. Ainsi vous serez ses instrumens inavoués, mais dociles, ou vous serez abandonnés, brisés par lui. Il est évident que qui dispose des électeurs saura toujours trouver des hommes prêts à réaliser ses vœux et ses volontés : si vous vous y refusez, d’autres vous remplaceront. Donc, ce que nous redoutons, c’est l’accroissement de l’influence du clergé en matière politique, parce que nous savons qu’il est hostile aux principes de la civilisation moderne et qu’il ne peut pas ne pas l’être. Tous ses membres en effet, depuis le plus humble vicaire de village jusqu’au primat de Malines, ont abjuré à jamais les erreurs de Lamennais, les illusions de Lacordaire et les révoltes du gallicanisme. Tous sont les fils obéissans et soumis de l’église romaine, tous par conséquent condamnent ce qu’elle a condamné. Or n’a-t-elle pas formellement déclaré par la bouche infaillible de son chef qu’entre ses doctrines et celles de la civilisation moderne il y a incompatibilité absolue ? Sans rappeler l’encyclique de Grégoire XVI, le jugement doctrinal de l’épiscopat belge et tous les canons que ces pièces importantes invoquent, Pie IX n’a-t-il pas montré que cette opposition est aussi