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appartient de droit divin ! « On ne peut leur en ôter la direction, disent-ils, sans soumettre la doctrine de la foi et toute la discipline ecclésiastique à la puissance séculière, sans renverser par conséquent tout l’édifice de la religion catholique. » — Le jugement doctrinal se termine ainsi :


« Il est encore d’autres articles qu’un véritable enfant de l’église ne peut s’engager par serment à observer et à maintenir, et dont l’urgence des circonstances ne nous permet pas de nous occuper en ce moment : tel est en particulier le 227e, qui autorise la liberté de la presse et ouvre la porte à une infinité de désordres, à un déluge d’écrits anti-chrétiens et anti-catholiques. Il nous suffit d’avoir prouvé que la nouvelle loi fondamentale contient plusieurs articles opposés à l’esprit et aux maximes de notre sainte religion, et qui tendent évidemment à opprimer et à asservir l’église de Jésus-Christ ; par conséquent il ne peut être permis aux fidèles catholiques de s’engager à les observer. »


L’influence de l’épiscopat était si grande, et l’effet produit par ce manifeste si général, que la nouvelle charte, sans contredit la plus libérale de l’époque, fut rejetée au sein de l’assemblée des notables à laquelle elle était soumise par 796 voix contre 527. L’opposition du clergé persista pendant toute la durée du règne de Guillaume, prince protestant et descendant du Taciturne ; elle s’aigrit surtout quand la loi organique de l’enseignement eut exigé un examen de tous ceux qui voulaient ouvrir une école et après que le gouvernement eut établi à Louvain un collège philosophique où les jeunes clercs devaient passer quelque temps avant d’entrer dans les séminaires des évêques. Guillaume, comme Joseph II, voulait que les ecclésiastiques ne demeurassent point complètement étrangers aux lumières et aux idées de leur temps. Il souleva les mêmes colères et les mêmes résistances. Malheureusement, se défiant trop de la liberté, il s’aliéna, par de maladroites tentatives de compression, un groupe d’hommes éclairés, actifs, énergiques, dévoués aux idées modernes et avides de progrès, sur lesquels il eût dû s’appuyer. L’union des catholiques et des libéraux, — les deux partis portaient déjà ce nom, — provoqua la révolution et détermina la chute du gouvernement hollandais.

Vers cette époque, momentanément entraîné par un courant nouveau loin des traditions du passé, le clergé belge s’était épris des idées d’un prêtre de génie qui, après avoir exalté l’omnipotence papale, avait préconisé la séparation de l’église et de l’état et démontré avec une conviction ardente et une brillante éloquence que, pour accomplir ses glorieuses destinées, le catholicisme devait repousser toute alliance avec l’absolutisme et n’avoir foi qu’en la liberté. Les ecclésiastiques et les catholiques qui en 1830 siégèrent au congrès rivalisèrent avec les libéraux pour prodiguer à la jeune nation toutes