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français arrive, des tubes sont descendus dans le puits abandonné, le trépan perfore la couche de gypse, et au bout de quatre jours de travail une nappe de 4,300 litres à la minute jaillit comme un fleuve bienfaisant. Actuellement les palmiers renaissent ; les dunes, fixées par des plantations de tamaris, n’avancent plus, l’oasis est sauvée. On devine la joie des habitans, mais, fatalistes incurables, ils remercient le dieu de Mahomet d’avoir permis que les Français terminassent le puits, dont sa colère avait interdit l’achèvement aux disciples de son prophète ; meilleurs croyans, ils eussent atteint l’eau sans le secours des infidèles. Ainsi raisonne toujours le fanatisme musulman.

Après ces sondages, M. Jus fut envoyé par le général Desvaux dans le Hodna, fertile bassin situé entre Batna et Biskra. Onze puits ont été déjà forés. Dans le Sahara, M. Lehaut, sous-lieutenant de spahis, après avoir étudié en France et suivi la campagne de 1857 avec M. Jus, fut chargé de plusieurs forages dans le steppe compris entre Biskra et le chott Melrir. Il y creusa trois puits ; mais cinq années consacrées aux travaux artésiens dans le Sahara avaient épuisé sa constitution, il mourut le 14 mai 1860. Un modeste monument élevé près du puits d’Ourlana, qui porte son nom, rappelle ses services et sa mort glorieuse sur le champ de bataille de la civilisation et de l’humanité. Ce puits d’Ourlana est un des plus abondans de l’Oued-Rir, il fournit 3,270 litres par minute et fait tourner immédiatement un moulin arabe. Il a été creusé en 1860 par le capitaine d’artillerie Zickel, chargé des forages dans le Sahara oriental, et qui voulut bien diriger dans le désert notre petite caravane. Par ses soins et ceux de ses deux prédécesseurs, quarante puits ont été forés en huit ans dans l’Oued-Rir et sur le plateau compris entre Biskra et le chott Melrir. La profondeur moyenne de trente-cinq d’entre eux, qui m’est connue, est de 74 mètres. Le plus profond, celui de Tair-Raçou, a 162 mètres de profondeur, le moins profond n’en a que 6 ; ce sont tous deux des puits ascendans où la colonne d’eau ne s’élève pas au-dessus de la surface du sol. Le débit moyen des puits qui déversent est de 1,917 litres par minute ; le plus abondant est celui de Sidi-Amrin, dans l’Oued-Rir : il donne 4,800 litres par minute ; un des trois puits de Chegga n’en fournit que 19. La température de ces puits est élevée, mais non supérieure à la moyenne annuelle de l’air dans la région où ils surgissent. J’ai pris moi-même celle de treize d’entre eux, elle est en moyenne de 24°,2, variant de 23°,0 à 25°,3 seulement. Rien de plus gracieux que l’aspect de ces puits. Le tube est au centre d’un bassin circulaire : en s’épanchant au-dessus des bords, la nappe artésienne forme une coupole transparente. Cette coupole présente des pulsations isochrones comme celles du pouls. Elle se gonfle et s’affaisse alternativement,