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foule de petits ruisseaux ; mais le régime des eaux y est en apparence très irrégulier. Tous les cours d’eau du versant occidental se dirigeant vers l’intérieur des terres, on dut supposer en premier lieu qu’ils se déversaient dans un réservoir central encore inconnu, puisque les marins, en explorant les côtes, n’avaient découvert l’embouchure d’aucun grand fleuve. On admit l’existence d’un grand lac intérieur, d’une méditerranée, réceptacle commun de toutes ces rivières. En outre les eaux étaient tantôt saumâtres comme celles de la mer, tantôt fraîches et douces comme l’eau de pluie. Souvent réduites à quelques mares stagnantes dans un lit desséché, les rivières se transformaient, à peu de jours d’intervalle, au milieu même de la saison sèche, en des torrens impétueux qui déracinaient les arbres et entraînaient les malheureux colons établis sur leurs rives. La ville de Guadagai, sur le Murrumbidgee, fut totalement détruite en une nuit par une crue extraordinaire ; deux cents personnes périrent dans cette catastrophe. Enfin M. Oxley, qui suivit jusqu’au bout, en 1818, l’un des plus importans de ces torrens, la Macquarie, le vit s’épandre en de vastes marais pleins de roseaux qu’il était impossible de franchir. Quelques années après, le capitaine Sturt, l’un des plus hardis explorateurs de l’Australie, retournait au même point ; les marais avaient disparu. Les roseaux couvraient encore le sol ; mais le sol était sec et les voyageurs ne purent trouver une goutte d’eau dans la contrée même qu’on leur avait dépeinte comme si marécageuse. Pour faire apprécier les difficultés du pays, il faut dire encore que toutes ces rivières, en nombre presque infini, qui descendent des alpes australiennes vers l’intérieur, traversent tour à tour des vallées fertiles et des plaines desséchées, en sorte que les colons ne pouvaient s’y étendre à l’aise et en suivre le cours. Trouvait-on aux limites des terrains déjà occupés un canton stérile, il fallait parcourir le pays, soit à droite, soit à gauche ou en avant, jusqu’à ce que l’on rencontrât une région mieux irriguée et couverte de cette bonne herbe longue et fine qui convenait si bien aux troupeaux. Souvent aussi les rivières terminaient doucement leur cours au pied d’une colline qu’elles n’avaient pas eu la force de renverser, comme si quelque réservoir souterrain les eût absorbées.

En 1829, le capitaine Sturt, accompagné d’une escorte nombreuse et bien équipée, partit des sources du Murrumbidgee, au sud-ouest de Sydney, avec l’intention de s’engager résolument dans l’intérieur. Le terrain devint bientôt sablonneux, d’épais buissons embarrassaient la marche de ses équipages ; mais cette rivière avait si belle apparence, le volume d’eau qu’elle charriait était si abondant, qu’il se crut enfin sur la voie la plus sûre pour pénétrer au cœur de l’Australie. Sur les chariots qui portaient ses provisions, il avait eu soin de charger un bateau démonté ; lorsque la marche sur