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longue course, dans laquelle il faut la suivre. Elle chasse devant elle les couches d’air qu’elle rencontre, qui se compriment, s’échauffent et deviennent incandescentes. Par une raison contraire, il se fait en arrière un vide où l’air antérieur se précipite en contournant la surface, et la météorite se trouve enveloppée d’une atmosphère de gaz et de vapeurs enflammés. Cette circonstance vaut qu’on s’y arrête, car elle est de nature à diminuer nos appréhensions. Ce n’est pas la partie solide, mais l’atmosphère embrasée des bolides qui nous illumine tout à coup ; c’est elle qui atteint de si grandes dimensions, et le noyau qui nous demeure caché est incomparablement plus petit. Cette atmosphère a toutes les apparences de la menace, mais elle se dissipe aussitôt que la vitesse diminue. Voilà comment l’histoire n’a point eu de catastrophes à enregistrer, comment les fragmens sont presque toujours minimes, et comment enfin des apparences redoutables aboutissent à de petites réalités.

Pendant que le bolide comprime l’air, celui-ci résiste, et, par réaction, presse sa face antérieure. Si nous voulons avoir une évaluation approchée de cette force, examinons ce qui se passe pendant les ouragans. Quand ils arrivent à leur plus terrible intensité, ils atteignent une vitesse de 40 mètres à la seconde, et ils exercent sur toute surface d’un pied carré qui leur est opposée une poussée égale à 38 livres. Cette poussée resterait la même, si, par un simple changement des conditions relatives, on lançait avec la même vitesse une météorite d’un pied carré dans un air immobile ; mais, si au lieu de 40 on lui fait parcourir 40,000 mètres, la poussée croît dans une proportion énorme. M. Reichenbach nous apprend qu’elle atteint 700 atmosphères à une hauteur de 18 kilomètres au-dessus du sol. Il n’y a que le fer qui puisse résister à un pareil effort sans être écrasé. Or ces conditions ressemblant beaucoup à celles de la météorite d’Orgueil, il faut admettre qu’elle éprouvait une pression comparable, et c’est pour cela qu’elle a tout à coup volé en éclats, comme le fait une pierre lancée qui rencontre une muraille. Au moment même où s’opérait cette dislocation, toute la fantasmagorie de l’atmosphère embrasée s’évanouissait, et l’on put enfin toucher du doigt, non sans étonnement, la cause ridicule d’un si grand tapage : une cinquantaine de pierres pesant en tout 20 livres ! Toutes petites qu’elles sont, elles nous apportent des enseignemens précieux et de plusieurs sortes. Venues du ciel, elle nous apportent la matière qui circule entre les étoiles et qui vraisemblablement les compose ; elles nous apprennent que, dans ses confins les plus éloignés, le monde matériel est bâti avec des matériaux identiques à ceux que nous rencontrons sur la terre. On a beaucoup et très justement admiré la méthode qui permet à M. Kirchhoff d’analyser le soleil ; il n’est que juste de faire remarquer qu’on trouve dans les météorites les métaux qui composent cet astre, et qu’on y rencontre en outre le charbon, le chlore et l’ammoniaque, qui échappent à l’analyse spectrale.

Si, par un concours de circonstances malheureusement peu probable,