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de l’indépendance ; mais il est si insuffisant que l’intérêt ordinaire demeure l’usura centesima des anciens, c’est-à-dire 12 pour 100 ; l’on trouve même difficilement de l’argent à ce taux. Si la création de la banque nationale a émancipé le commerce du joug de l’usure, c’est une plaie qui n’a pas cessé de ronger les campagnes, et il n’est pas rare de voir demander aux agriculteurs des intérêts de 18 à 20 pour 100. C’est donc une nécessité urgente et de premier ordre que l’institution d’une banque de crédit agricole qui prête aux cultivateurs avec un intérêt modique, — et qui dit modique pour la Grèce dit de 7 à 8 pour 100, ce qui laisse encore de beaux bénéfices aux actionnaires. — Une compagnie formée des maisons financières grecques les plus puissantes de Constantinople et de Smyrne demande l’autorisation de fonder cette banque agricole : ce serait une folie que de rejeter ses propositions ou de les faire avorter par des lenteurs dont le régime déchu a malheureusement légué la tradition.

L’industrie en Grèce est bien loin d’avoir fait les mêmes progrès que l’agriculture et le commerce. Le royaume hellénique paie encore un tribut considérable à l’Europe occidentale pour les tissus, les métaux, les verres, les poteries ; la plupart des carrières et la presque totalité des mines du pays ne sont pas en état d’exploitation, et pourtant sous ce rapport la Grèce possède d’immenses ressources, jusqu’à présent improductives, car elle pourrait fournir en abondance des marbres précieux, une pouzzolane qui est la meilleure de l’Europe, du plomb, de l’argent, du cuivre, du fer et du charbon. On remarque néanmoins depuis quelques années les premiers symptômes d’une certaine propension à créer des établissemens industriels. Comme l’industrie était absolument nulle sous la domination turque, le peu qui en existe constitue déjà un progrès ; mais qu’est-ce en réalité ? Il importe d’arriver à un autre développement de fabrication et surtout de créer la grande industrie, qui n’aurait pas seulement pour effet de décupler la richesse nationale, mais qui produirait les plus heureux résultats dans l’ordre politique, car seule elle peut fournir de nouveaux débouchés à cette masse de jeunes gens formés aux études libérales, qui, dans l’état présent des choses, se ruent sur les fonctions publiques, l’unique carrière, avec le commerce, ouverte à leur activité. Dans l’industrie comme dans l’agriculture, c’est le manque de capitaux qui arrête les progrès. Les capitaux du pays ne suffisant pas à l’œuvre, il faut attirer les capitaux étrangers, toujours disposés à se porter où il y a de fructueuses entreprises à faire, en leur donnant les garanties indispensables de sécurité qui résultent d’une bonne police et d’une bonne justice. En même temps il faut favoriser parmi les indigènes