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découverte attelée de six chevaux à la Daumont. C’est un jeune homme de dix-huit ans, à la tournure élégante. Toute sa personne respire la franchise et la loyauté ; son âge, sa candeur confiante, son effusion de cœur, ont un attrait irrésistible et laissent une vive impression dans le souvenir de ceux qui l’ont approché. Vêtu du costume de général de la garde nationale le jour de son entrée, il avait l’air d’un enfant dans cet uniforme, qui faisait ressortir la jeunesse de son visage ; on lisait sur ses traits une expression naïve d’émotion et d’étonnement qui touchait les plus indifférens. De toutes les maisons partaient des acclamations ardentes, de toutes les fenêtres pleuvaient des fleurs et des couronnes. Derrière l’équipage royal s’avançaient d’autres voitures, contenant d’abord le comte de Sponneck, désigné par le roi de Danemark pour assister de ses conseils le nouveau souverain des Grecs, puis les membres de l’assemblée nationale.

Toutes les entrées royales se ressemblent dans leur partie officielle ; ce sont toujours les mêmes Te Deum, les mêmes revues, les mêmes illuminations, les mêmes discours, les mêmes prestations de serment. Le cadre seul change, mais non le spectacle, et, grâce aux révolutions perpétuelles que notre siècle a vues successivement s’accomplir dans toutes les parties de l’Europe, il n’est aujourd’hui personne qui n’ait eu l’occasion d’en contempler au moins une représentation dans sa vie. Cependant à côté de ces solennités stéréotypées il est une chose plus digne des regards de l’observateur : ce sont ces manifestations spontanées du sentiment populaire, où se révèlent les situations dans leur vrai jour. C’est là surtout ce qui marquait à Athènes l’inauguration de la nouvelle monarchie ; pendant trois jours que durèrent les fêtes, les mêmes scènes se reproduisirent. Le sentiment général se peignait dans le refrain d’une chanson improvisée par la muse populaire dans les cabarets autour de l’Agora, et que trois soirs de suite ouvriers et paysans répétèrent à l’envi : « Bien arrivé soit notre roi dans la Grèce ! — Il nous apporte la paix et la liberté ; — il sauve les Grecs du désordre, — et il nous délivre des trois cents tyrans. » On sait que ce chiffre était celui des membres de l’assemblée nationale.

Les fêtes se terminèrent par un feu d’artifice qui fut tiré au pied des ruines du temple de Jupiter Olympien ; rien n’était saisissant comme de voir, à chaque fusée lancée dans les airs, les gigantesques colonnes de cet édifice, agrandies encore par un effet de mirage, s’illuminer d’un éclat subit qui faisait apercevoir derrière elles la mer, Égine, et dans le dernier lointain les monts du Péloponèse, pour s’éteindre presque immédiatement dans une profonde obscurité. Tout à coup des feux de Bengale s’allumèrent dans toutes