Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrivait en calèche découverte dans sa capitale. Le maire et le conseil municipal d’Athènes l’attendaient à l’entrée de la ville pour lui en remettre les clés, sous un arc de triomphe élevé au milieu de la place de l’Haghia-Trias, qui occupe le site de l’ancienne porte Dipyle, par où l’on sortait pour aller à l’Académie et à Eleusis. De l’Haghia-Trias jusqu’à la place de la Concorde, où s’élevait un second arc de triomphe, et jusqu’à la cathédrale, la garde nationale faisait la haie. La légion académique, composée des étudians de l’université, était rangée autour de l’église. Enfin des détachemens de tous les corps de l’armée, vingt-cinq hommes par bataillon, étaient échelonnés sur le reste du parcours du cortège jusqu’au palais. À l’entrée de la place qui précède cet édifice, on voyait un troisième arc de triomphe couronné par les drapeaux des différens corps de la guerre de l’indépendance. C’était une idée heureuse que de faire saluer le jeune roi, sur le seuil de son palais, par ces vieux étendards fanés et presque sans couleur, déchirés par les balles, mais éclatans de gloire, qui représentaient à l’intronisation de la nouvelle monarchie la génération dont les héroïques efforts ont rendu la liberté au pays.

Le peuple s’était porté en foule à l’Haghia-Trias, et cette première réception faite au souverain fut vraiment touchante. Il y avait là les vétérans des armées de l’indépendance réunis en corps, des députations nombreuses de Candie, de la Thessalie, de l’Épire, de la Macédoine, de Samos, en un mot de toutes les fractions de la nation grecque encore séparées de la mère-patrie, chacune avec son drapeau ; les Crétois en portaient un, tout lacéré de balles, qui avait flotté sur les champs de bataille de la grande guerre de 1821. Sur les hauteurs qui bordent la route, depuis le Pnyx et la colline des Nymphes jusqu’à l’ancienne butte de Scirum, des milliers de paysans se tenaient avec leurs femmes et leurs enfans. Quand le roi parut, ils s’élancèrent vers lui, perçant la haie de la garde nationale, renversant les lanciers de l’escorte, et se jetèrent littéralement sur la calèche, prenant les mains du jeune prince et les pans de son uniforme et les couvrant de baisers ; les femmes lui présentaient leurs enfans en les élevant au-dessus de leurs têtes ; tous criaient : « Vive le roi, l’espoir de la patrie et le symbole de l’ordre ! » Les paysans voulaient dételer les chevaux et traîner la voiture ; mais sur le refus du prince ils se contentèrent de se masser tout autour en poussant des vivat étourdissans, en agitant des branches d’olivier, en dansant devant les chevaux comme jadis le roi David devant l’arche.

Le cortège s’avança ainsi dans les rues. George Ier était avec le président de l’assemblée et le chef du ministère dans une calèche