et en s’occupant de poursuivre sans cesse quelque généreuse idée. Ses lettres à Gustave III, pendant ce temps de retraite, la montrent sous un aspect que ses contemporains eux-mêmes paraissent n’avoir pas entièrement connu, et qui néanmoins explique et justifie leur jugement. Elles nous révèlent son vrai caractère, composé de grâce originale, de vivacité folle, d’enthousiasme un peu romanesque, de tristesse intérieure, d’ardeur de pensée, et de langueur, devenue bientôt mortelle.
À peine sorti de France depuis quelques jours, Gustave a engagé lui-même sa correspondance, avec Mme d’Egmont par ce billet, daté des bords du Rhin, 5 avril 1771 :
« Plus je m’éloigne de vous, madame la comtesse, plus mes regrets augmentent, et malheureusement ils ne pourront finir… Je ne suis point étonné de la ruse de Mentor, car si Calypso vous ressemblait, Télémaque avait bien raison de ne pas la vouloir quitter… Si je voulais faire le héros, je vous dirais que le plaisir de rendre un peuple heureux et de remplir la grande tâche qui m’est imposée suffira seul pour me consoler d’être à jamais séparé de vous ; j’aime mieux vous dire avec sincérité qu’entre les regrets sans nombre que j’ai d’être roi, celui de perdre l’espoir de vous revoir jamais est un des plus grands. »
La comtesse d’Egmont s’empare immédiatement dans ses réponses des plus hautes questions morales et politiques. L’affaire des parlemens lui tient surtout au cœur. Sans nul doute elle continue, dans ses lettres à Gustave III sur ce sujet, une discussion commencée pendant le séjour du roi à Paris ; bientôt, la maladie l’empêchant de développer à son gré toutes les raisons qu’elle voulait faire valoir, elle appelle à son aide la verve de son intime amie, Mme Feydeau de Mesmes, qui travaille auprès d’elle, et résume ses pensées en y ajoutant les siennes :
« Sire, écrit Mme d’Egmont le 1er septembre 1771, j’ai pensé que vous n’aviez pas pris la peine de discuter les principes de M. le chancelier, et que par conséquent vous n’aviez pas vu ni ce qu’il détruit ni ce qu’il veut rétablir. Dans cette persuasion, j’ai prié Mme de Mesmes de rassembler les faits principaux, afin que votre majesté pût voir sur quoi se fonde ma façon de penser à cet égard. J’étais trop malade pour pouvoir faire ce travail ; d’ailleurs mon amie en est plus capable que moi… Elle a écrit ce petit ouvrage au chevet de mon lit, pendant ma maladie à Braine, et il est certain qu’il n’est venu personne pour nous aider. »
À ces lignes d’envoi était joint un mémoire de dix grandes pages, conservé dans la collection des papiers de Gustave III, à Upsal. Quelques notes marginales sont de la main de Mme d’Egmont, très facile à reconnaître, et le texte nous représente évidemment le travail en commun des deux amies, écrit par Mme de Mesmes, Quand on