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GUSTAVE III
ET
LA COUR DE FRANCE

IV.
GUSTAVE ET LA SOCIETE FRANCAISE A LA FIN DU REGNE DE LOUIS XV.


I

Par le coup d’état du 19 août 1772, Gustave III avait en quelques heures, sans une goutte de sang versée, délivré la Suède de l’anarchie, raffermi la puissance royale et détourné de son pays les graves périls qui le menaçaient du dehors. Il croyait cependant n’avoir rien gagné, si les suffrages de la société française ne donnaient à ses actes une consécration suprême. Dans le naufrage de tous les anciens pouvoirs, le pouvoir nouveau de l’opinion avait grandi : c’était en France qu’il avait établi son tribunal et qu’il rendait ses arrêts, et les souverains eux-mêmes commençaient de briguer sa faveur. Gustave III ne comptait certes pas pour rien les applaudissemens de son peuple, et sa clémence, l’abolition de la torture, une ordonnance favorable à la liberté de la presse, lui valurent tout d’abord en Suède même une juste popularité ; mais cela ne lui suffisait pas : il songeait au retentissement que son œuvre pourrait avoir en France, où la cour, les philosophes, la société polie, ces reines des salons dont il s’était fait adroitement le disciple, accueilleraient sa