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C’est principalement au Brésil qu’il conviendrait d’étudier de près cette influence des grands systèmes de montagnes sur la production des métaux. L’immense Cordillère des Andes, sur les bords du Pacifique, offre pour ainsi dire tous les échantillons du règne minéral, disposés comme par étages successifs. Les contre-forts de l’est, allant sans cesse en diminuant de hauteur et de puissance, s’appauvrissent de plus en plus. L’or seul persiste à la base. La dernière chaîne, celle qui borde l’Océan, ne contient plus que du granit pur ; c’est aussi la moins élevée. On voit en même temps pourquoi le Brésil n’a jamais eu de mines d’argent : ce n’est très probablement qu’une question d’altitude. La plus grande hauteur des montagnes n’y dépasse guère de 1,000 à 1,500 mètres, tandis que certains pics des Andes atteignent 24,000 pieds. En revanche, le cuivre et le fer ne manquent pas, ce dernier surtout se montre en abondance ; en certains endroits, il est presque pur et rend jusqu’à 90 pour 100. Chose curieuse, si l’on en croit la tradition, ce seraient des noirs de la côte de Mina (Guinée) qui auraient indiqué ces richesses aux farouches conquistadores. Les Indiens ne paraissaient pas s’en être doutés jusqu’à ce moment. L’or qu’ils trouvaient tout préparé dans les sables des rivières suffisait amplement à leurs besoins domestiques : il avait en outre l’avantage d’être plus malléable et plus facilement fusible que le fer. Toutefois certaines tribus de l’intérieur ne dédaignent pas d’employer le fer depuis que l’or a disparu ; mais, voulant éviter avant tout le travail et le souci de le forger, elles ont imaginé un moyen aussi simple qu’ingénieux de se le procurer aux dépens des voyageurs. Me trouvant un jour sur la route de Villa-Rica, je rencontrai un Breton cheminant péniblement à pied dans un pays où les mendians eux-mêmes vont à cheval. Je lui adressai la parole et lui demandai ce qu’il avait fait de sa monture.

— Ma monture ? Il y a au moins six mois que je n’en ai plus. Tel que vous me voyez, j’ai fait peut-être plus de mille lieues avec une boussole pour tout guide, et cependant, lorsque j’ai suivi pour la première fois ce chemin, j’avais une belle mule. Quelques compagnons et moi, nous formions une petite caravane assez bien équipée. Tout alla bien tant que nous ne fûmes pas enfoncés dans les forêts. Nous comptions nous aboucher avec les Indiens à l’aide d’un guide qui nous servait d’interprète et qui se rendait au Pérou : nous portions des bimbeloteries pour les échanger contre des peaux de jaguar et des brillans ; mais un beau matin, au moment où nous allions nous mettre en selle, notre cicérone vint nous avertir que les mules n’avaient plus de pieds. Ne sachant trop ce que cela voulait dire, nous allâmes vérifier le fait, et nous vîmes les pauvres bêtes