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couverte d’une couche de petits cailloux arrondis, presque tous quartzeux, offrant les teintes les plus variées, depuis le blanc le plus pur jusqu’au rouge le plus vif ; ils sont mêlés de cailloux calcaires noirs et fendillés à la surface. D’où viennent ces cailloux, évidemment roulés par les eaux ? On l’ignore ; ils sont les témoins mystérieux de ces grandes débâcles diluviennes qui sur toute la surface de la terre ont laissé des traces de leur passage, sans que le géologue puisse retrouver toujours les montagnes ou les rochers qui ont fourni les matériaux de ce diluvium, Çà et là les cailloux sont remplacés par du sable siliceux formant des amas superficiels qui recouvrent le pavé de gypse.

Les plateaux ne sont pas stériles : une végétation brûlée par le soleil en été, mais verdoyante après, les premières pluies de l’hiver, les recouvre entièrement. Ce sont d’abord des arbrisseaux épineux[1] qui, retenant les terres autour d’eux, forment autant de buttes percées de trous habités par les gerbilles, puis des sous-arbrisseaux à feuilles charnues, ligneux, noueux, rabougris et rongés par les chameaux et les moutons. Presque tous appartiennent à la famille des Salsolacées[2] ou plantes littorales, qui ne prospèrent que dans les terrains contenant une certaine proportion de sel marin. Le Sahara est dans ce cas : aussi sa végétation ressemble-t-elle singulièrement à celle qui entoure les marais salans du Languedoc. Cependant, lorsque le sol devient sablonneux, on voit apparaître des arbrisseaux sans épines[3] et des plantes sous-frutescentes moitié vertes, moitié desséchées par le soleil[4]. Des plaques vertes formées de plusieurs espèces de géraniums et d’héliotropes[5] cachent çà et là la nudité du terrain ; mais ce qui charmait surtout nos regards, c’était une plante sans tige[6] voisine des colchiques, portant un bouquet de fleurs d’un blanc rosé appliquées sur le sable et entourées d’une couronne de feuilles linéaires. Dignes de réjouir les yeux des amateurs les plus délicats, ces jolies fleurs vivent et meurent inconnues dans les solitudes du Sahara. Entre Biskra et l’oasis de Chetma, une plante légendaire croît dans les sables les plus arides, la rose de Jéricho[7], petite crucifère à tige basse et ramifiée qui se dessèche après la floraison. Ses rameaux rapprochés

  1. Zisyphus lotus, Nitraria tridentata
  2. Salsola vermiculata, Anabasis articulata, Caroxylon articulatum, Traganum nudatum, Suœda vermiculata, S. fruticosa.
  3. Retama Duriœi, Ephedra alata.
  4. Farsetia AEgyptiaca, Linaria fruticosa, Haplophyllum tuberculatum, Scrofularia. deserti, Anvillœa radiata, Francoeria crispa, Rhanterium adpressum.
  5. Erodium glaucophyllum, E. laciniatum, Heliotropium undulatum.
  6. ) Melanthium punctatum Cav. ou Erythrosticlus punctatne Schlecht.
  7. Anastatica hierochuntica.