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international, Wheaton, Story et Kent. « Sur toutes les questions cardinales et maîtresses, écrit-il, qui se rattachent aux droits des belli gérans, les doctrines américaine et anglaise sont et ont toujours été en parfaite harmonie. » Historicus s’est donné beaucoup de peine pour démontrer cet accord, notamment dans les nombreuses et souvent très délicates questions qui se rattachent à l’exercice du droit de visite. Les décisions des cours des prises qui siègent depuis la guerre civile aux États-Unis fournissent des argumens nouveaux à l’appui de cette thèse, et le 18 mai 1863 lord John Russell déclarait à la chambre des lords que jusqu’ici les conseillers légaux de la couronne d’Angleterre n’avaient aucune plainte à élever contre les décisions des cours américaines. « Nous n’avons pas, ajoutait-il, le droit de dire que les juges américains aient dégénéré de ceux qui ont toujours été cités avec respect et souvent avec admiration par tous ceux qui ont écrit sur le droit international, tant en Europe qu’en Amérique. »

Non-seulement les États-Unis et l’Angleterre reconnaissent les mêmes autorités en matière de droit international, mais ils possèdent encore le même code de neutralité. Chacune de ces puissances a défini de la même manière les devoirs de la neutralité et les a imposés à ses sujets dans une loi qui porte dans l’un comme dans l’autre pays le nom de foreign enlistment act. Les stipulations verbeuses de ces lois sont si précises qu’il semble impossible de les éluder, et l’histoire nous montre en effet qu’elles ont toujours été efficaces quand les gouvernemens ont consenti à s’en servir. Il n’est pas sans intérêt de rappeler l’origine même du foreign enlistment act américain. Après la guerre de l’indépendance, le gouvernement américain se trouvait en face de deux belligérans, dont l’un était son ennemi, l’autre son protecteur et son allié de la veille : cette période fut pour la neutralité américaine ce que M. Loring appelle un experimentum crucis. Malgré les pressantes démarches de Genêt, l’envoyé de la convention, malgré les murmures et les colères du parti anti-fédéraliste, Washington fit défense d’armer des corsaires dans les ports américains contre le commerce anglais. Hamilton, alors secrétaire de la trésorerie, fit surveiller tous les ports et ordonna aux gouverneurs d’arrêter tous les corsaires : plusieurs navires furent saisis au moment de prendre la mer, toutes les prises furent restituées aux propriétaires, et le gouvernement américain accepta vis-à-vis de l’Angleterre la responsabilité de toutes les captures faites par des corsaires sortis de ses ports.

En recourant à ces rigoureuses mesures, Washington n’obéissait qu’aux obligations générales du droit des gens ; mais en 1794 le congrès, pour rendre les violations de la neutralité plus difficiles, fit une loi spéciale qui en fixait toutes les conditions et qui punissait