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adversaires déclarés et actifs du christianisme. Enfin, dans la quatrième série de ces Méditations, je tenterai de pressentir l’avenir de la religion chrétienne et d’indiquer par quelles voies elle est appelée à conquérir complètement et à dominer moralement ce petit coin de l’univers que nous appelons notre terre, et dans lequel se déploient les desseins et la puissance de Dieu, ainsi qu’ils se déploient aussi sans doute dans une infinité de mondes à nous inconnus.

J’ai passé trente-quatre ans de ma vie à lutter, dans une bruyante arène, pour l’établissement de la liberté politique et le maintien de l’ordre selon la loi. J’ai appris, dans les travaux et les épreuves de cette lutte, ce que valent la foi et la liberté chrétiennes. Dieu permet que, dans le repos de ma retraite, je consacre à leur cause ce qu’il me conserve encore de jours et de force. C’est la plus salutaire faveur et le plus grand honneur que sa bonté me puisse accorder.


I. — LES PROBLEMES NATURELS.

Depuis que le genre humain existe, partout où il a existé et où il existe, il y a des questions qui l’ont préoccupé et le préoccupent invinciblement, non-seulement à cause de sa curiosité naturelle et de son ardente soif de connaître, mais pour une autre raison bien autrement profonde et puissante. — La destinée même de l’homme est intimement liée à ces questions : elles contiennent le secret non-seulement de ce qu’il voit, mais de ce qu’il est lui-même. — Quand il aspire à les résoudre, ce n’est pas seulement pour comprendre le spectacle auquel il assiste ; il se sent, il se sait acteur dans le drame ; il veut savoir son rôle et son sort. Il s’agit, pour lui, de sa conduite et de son avenir comme de la satisfaction de sa pensée. Ces problèmes souverains ne sont pas pour l’homme des questions de science, mais des questions de vie ; en leur présence, il faut dire comme Hamlet : « Être ou n’être pas, c’est la question. »

D’où viennent le monde et l’homme au milieu du monde ? Comment ont-ils commencé ? Où vont-ils ? Quelles sont leur origine et leur fin ? Il y a des lois qui les gouvernent ; y a-t-il un législateur ? Sous l’empire de ces lois, l’homme se sent et se dit libre ; l’est-il réellement ? Comment sa liberté se concilie-t-elle avec les lois qui le gouvernent, lui et le monde ? Est-il un instrument fatal ou un agent responsable ? Quels sont, avec le législateur du monde, ses liens et ses rapports ?

Le monde et l’homme lui-même offrent un étrange et douloureux spectacle. Le bien et le mal, moral et matériel, l’ordre et le désordre, la joie et la douleur y sont intimement mêlés et en lutte