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de la sorte à la forme voulue. Alors on les porte à l’usine, où commence le travail du frullone. Qu’on s’imagine un axe vertical, un arbre, comme on dit en mécanique, monté directement au centre d’une roue hydraulique. Celle-ci est le plus souvent assez grossièrement installée, l’eau du torrent vient battre contre ses cuillères, et l’appareil se met en mouvement. À l’axe vertical sont attachées deux poutrelles en croix, régnant sur toute la largeur d’une auge circulaire. Dans chacun des compartimens ainsi formés, on dispose un certain nombre de marmetti reposant par la face à polir sur une meule gisante en pierre. Quand l’arbre se meut, il entraîne ainsi poutrelles et carreaux. On jette du sable sur la meule, qui reste fixe, et le frottement polit les marmetti. Cette fabrication et ce polissage des carreaux sont des plus répandus à Seravezza, mais presque nuls à Carrare, où l’on ne voit que quelques frulloni établis le plus souvent dans la campagne, tant bien que mal.

Le port d’embarquement des marbres à Carrare présente un aspect encore plus animé que celui de Seravezza. Partout sur la plage ce ne sont que blocs de marbre, et dans la rade, quand le temps est beau, navires qui attendent ou complètent leur chargement. Un magnifique pont-embarcadère, monté sur pilotis, a été construit par M. Walton. Il s’avance au loin sur la mer, et permet aux plus gros navires de recevoir directement les blocs en se rangeant le long du pont, qui forme quai. Cela vaut mieux que le système primitif des lancie en usage à Seravezza. Le tablier du pont est d’ailleurs muni d’une voie ferrée sur laquelle roulent les wagons portant les marbres. Des grues en fonte, manœuvrées par des roues dentées, prennent les blocs dans les wagons et les amènent lentement à fond de cale.

De la plage de Carrare, les navires vont à Gênes, à Livourne, à Marseille, les trois principaux entrepôts des marbres dans la Méditerranée. Près de la moitié de la production totale va dans l’Amérique du Nord, le pays qui consomme le plus de marbres de Carrare, même encore aujourd’hui, malgré la guerre. À Marseille, il y a de grandes usines pour le sciage et le polissage des marbres, puis de nombreux ateliers pour la mise en œuvre. Les marbres qu’on travaille à Marseille sont non-seulement ceux d’Italie, mais encore tous ceux du midi de la France, notamment le blanc verdâtre ou marbré campan des Pyrénées, le rouge cerise ou griotte du Languedoc, la brèche de Tholomet près d’Aix, connue sous le nom de brèche d’Alep. On y travaille aussi les beaux marbres veinés de l’Algérie, l’onyx, aujourd’hui si connu à Paris, enfin les marbres de Belgique, le noir de Liège, la lumachelle, le petit granite. De tous ces marbres, on fait surtout des chambranles de cheminées, des