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parmi les plus connus ; tous les quatre du reste sont professeurs de nom et de fait, puisque, outre les leçons données à l’atelier, ils font un cours à l’école des beaux-arts de Carrare, qui relève de l’académie de sculpture de la ville. Cette académie, dont Carrare s’enorgueillit à juste titre, a formé des maîtres célèbres, et Canova le Vénitien, le célèbre Danois Thorwaldsen, ont été au nombre de ses associés étrangers. Depuis l’époque de la renaissance, il est du reste peu de sculpteurs qui ne soient venus à Carrare pour choisir des marbres, et les habitans montrent avec fierté la maison où descendait Michel-Ange. La ville elle-même a produit des sculpteurs célèbres : Pietro Tacca, élève, puis émule de Buonarotti, comme le dit l’inscription placée sur la façade de la maison où il est né ; Carlo Finelli, qu’une autre inscription plus orgueilleuse, à peine excusable même chez des compatriotes, appelle un sculpteur à nul autre second ; Franzoni, qui sous Pie VI travailla au Vatican ; enfin Tenerani, encore aujourd’hui à Rome[1].

Les maîtres contemporains fixés à Carrare, bien que n’ayant pas le renom de leurs prédécesseurs, n’en tiennent pas moins fort dignement le ciseau. M. Bonanni est dans la sculpture d’ornement d’une habileté rare, et nul mieux que lui ne sait détacher du marbre un bouquet ou une couronne de fleurs. MM. Pelliccia, Lazzerini, Franchi et d’autres sculpteurs carrarais réussissent également bien dans la statuaire, et de leur ciseau sont sorties des œuvres du plus grand mérite. Au-dessous des maîtres vient le cortège nombreux des faiseurs. Ceux-ci réduisent les statues connues, antiques ou modernes, et les vendent aux touristes de passage à des prix généralement très modérés. On trouve chez eux des Vénus de Milo, de Médicis ou du Capitole, des Dianes de Gabies ou des Dianes à la biche, des Hercules, des Antinous, des Bacchus, des gladiateurs mourans, des Mercures, puis tout l’œuvre de Canova ou de Pradier. Tout cela se vend, s’expédie, s’exporte pour ainsi dire au poids ou au mètre cube. C’est tant pour une réduction de moitié, tant pour une réduction d’un quart, tant pour un groupe, tant pour une statue détachée. Tout l’olympe antique est coté, et il y a peu de différence entre les copies de deux concurrens. Dans le Nouveau-Monde les deux Amériques sans exception, en Europe l’Angleterre, la Russie et l’Espagne sont surtout friandes de ces produits, et les marbres ouvrés de Carrare font concurrence aux albâtres de Volterra. Cependant, depuis que le chemin de fer, passant assez loin de la ville, a détourné les voyageurs, on se plaint d’une diminution

  1. Carrare ne s’est pas seulement illustrée dans les arts ; elle a encore produit dans la politique et les sciences des hommes justement célèbres, comme l’économiste Rossi, et le géographe Repetti.