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d’action de sa puissance politique. Où cherchera-t-elle ce surcroît de vie et de force nécessaire non-seulement à sa légitime influence dans le monde, mais à sa sécurité ? Les moyens d’action par lesquels les états européens peuvent exercer leur influence réciproque et trouver les conditions de leur équilibre sont, nous le rappelions récemment, au nombre de trois : il y a les frontières, les nationalités, la liberté politique, avec sa vertu naturelle de propagande. Les frontières ? Nous avons vu qu’il ne saurait être question en ce moment d’un agrandissement territorial. Le principe des nationalités ? Nous avons vu, depuis deux ans, qu’il ne nous a été d’aucun secours, et que quand nous l’avons invoqué, soit pour exercer une action, comme à l’égard de la Pologne, soit pour laisser faire, comme à l’égard du Danemark, il ne nous a point porté bonheur, et nous a plutôt affaiblis que fortifiés. Le seul moyen d’action qui nous reste donc, c’est l’action libérale, c’est la propagande des idées, c’est la direction du mouvement des institutions libres sur le continent. Nous signalons cette nécessité de la situation nouvelle avec une égale confiance, et à ceux qui redoutent chez nous le développement des libertés publiques, et à ceux qui avec une infatigable persévérance sont demeurés fidèles à la cause de la liberté. Il faut que les premiers y prennent garde : les circonstances où l’Europe est placée font du retour de la France aux pratiques de la liberté une condition pressante de la grandeur et de la sécurité nationales. Pour réagir contre des combinaisons qui ne lui sont point favorables, la France a besoin de reprendre la plénitude de sa vie politique intérieure et d’ouvrir en Europe un nouveau courant moral. Quant aux libéraux, il ne leur importe pas moins de comprendre le secours décisif que la force irrésistible des choses vient leur donner : leurs espérances doivent devenir plus fermes, et leurs efforts plus énergiques.

Voilà l’avertissement que nous lisons dans la situation de l’Europe ; quand en France la presse est libre, les élections sont libres, et lorsque ces libertés viennent s’épanouir à la tribune de nos assemblées, la France prend sur les peuples du continent une sorte d’ascendant moral qui déjoue pacifiquement toutes les machinations des gouvernemens despotiques ; mais il faut renoncer à la chimérique prétention d’exercer au dehors l’influence libérale de la France, si nous continuons à étouffer en nous-même, dans notre vie intérieure, la sève et la rayonnante chaleur de la liberté. À ce point de vue, nous avons regretté comme un anachronisme, comme un acte politique venant à contre-temps et à contre-sens, le procès qui a été intenté aux membres du comité démocratique et libéral qui aux dernières élections s’était mis à la disposition des électeurs. Est-ce le spectacle d’une telle poursuite que la France doit en ce moment donner au monde ? Quoi ! quand les intérêts les plus sérieux de sa politique extérieure la pressent de rechercher l’alliance des peuples libres et de voir une force pour elle dans toutes les aspirations qui à la surface de l’Europe s’élèvent vers la liberté, est-il opportun de venir nous disputer le droit de former