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l’essai d’une harangue future. Notre second châtiment est qu’on nous fait dire tout le contraire de ce que nous avons dit. On veut que nous ayons avancé que l’Angleterre aurait offert à la France les frontières du Rhin, si nous avions consenti à concerter avec elle des mesures en faveur du Danemark. Quelques-uns même, pour nous embrouiller tout à fait, ou par ignorance, prétendent que l’Angleterre n’a jamais sollicité la France à l’action commune, et que c’est la France au contraire qui aurait invité l’Angleterre à une coopération active. Dans ces reproches confus et contraires aux faits, nous ne pouvons réussir à démêler qu’une seule chose, c’est qu’en démontrant qu’il faut à la France un dédommagement des agrandissemens de la Prusse et un contre-poids à la coalition réactionnaire, soit au dehors, par l’acquisition de nos frontières naturelles, soit au dedans, par le développement libéral des institutions, nous avons été trouvés importuns.

Comment peut-on nous attribuer l’assertion que l’Angleterre aurait offert à la France la frontière du Rhin pour prix d’une intervention favorable au Danemark ? Nous sommes les seuls au contraire dans la presse française qui ayons remarqué et particulièrement signalé les allusions de lord Russell et de lord Clarendon aux compensations que la France aurait exigées, si elle avait dû prendre part à la guerre ; nous avons fait remarquer, au moment même, que cette perspective d’une compensation pour la France avait sur-le-champ refroidi les sympathies danoises du cabinet anglais. Dans les discours de lord Russell et de lord Clarendon, l’allusion aux dédommagemens territoriaux que nous eussions réclamés arrive comme un argument suprême en faveur de la politique d’abstention à laquelle le gouvernement britannique a fini par s’arrêter. « Comment vouliez-vous, semblaient dire les deux nobles lords à leurs compatriotes, qu’au dernier moment, après l’invasion du Slesvig et du Julland, après la rupture de la conférence, nous fissions la guerre pour le Danemark à la Prusse et à l’Autriche ? Nous n’aurions pu faire cette guerre d’une façon efficace qu’avec le concours de la France, et la France demande qu’il soit entendu d’avance qu’elle aura une compensation territoriale ! » Nous n’avons donc jamais dit que l’Angleterre nous ait offert les frontières du Rhin, et nous avons très nettement montré le contraire. Au surplus, au moment où s’est présentée l’occasion d’agir en commun avec l’Angleterre, de fortifier l’alliance occidentale, de tenir en respect la Prusse et l’Autriche, et de détourner la catastrophe dont le Danemark est aujourd’hui victime, à ce moment-là il n’était pas encore nécessaire d’envisager la possibilité de la guerre. Dans le développement des affaires politiques, les dates ont une grande importance, car avec les dates et les actes auxquels elles servent d’étiquette les situations éprouvent des modifications profondes. Nous reconnaissons qu’à la fin de juin on ne pouvait plus rien en faveur du Danemark que par la guerre ; mais en janvier, lorsque le sang n’avait pas coulé