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C’est encore à M. Lay qu’ils ont confié la mission de former cette flottille à vapeur qui partait dernièrement des ports de l’Angleterre, emportant outre ses équipages 500 marins, noyau d’une armée que M. Lay se propose aussi de créer. Ward, simple particulier américain, put également, aussitôt que ses talens furent reconnus, obtenir les moyens d’organiser son contingent,

L’Angleterre comprend très bien l’importance qu’ont pour elle de pareils agens, et, trouvant en eux un moyen d’influence certain, elle sait, tout en leur laissant leur caractère privé, les soutenir contre toutes les manœuvres hostiles. Les ministres de la reine se sont empressés de seconder la mission de M. Lay; ils lui ont fait obtenir du parlement des officiers de marine pour sa flottille, des officiers de terre pour son armée. En agissant ainsi, ils s’en rapportaient à la lettre que M. Lay écrivait à lord Russell : « Je regarde l’inspectorat étranger des douanes, disait-il, comme la machine la plus puissante pour amener la Chine vers les idées occidentales, pour ne pas dire anglaises, et je pense que c’est un point de vue analogue qui a engagé sir Henri Bulwer à recommander à la Turquie pour les diverses branches de son administration des Anglais honnêtes et capables. » Les Anglais n’ont pas hésité non plus, pour assurer le succès du contingent de Ward lorsqu’ils en prirent la direction, à lui fournir des armes et des munitions; ils le sauvèrent ainsi des embarras sans nombre que le nôtre a rencontrés, et qui l’ont si souvent compromis. Ce contingent, commandé maintenant par un officier du génie anglais, le major Gordon, et par plusieurs officiers d’infanterie, compte 5,000 hommes. Un autre de leurs bataillons, à Tien-tsin, se compose de 3,000 soldats. Une conduite aussi habile peut nous servir d’exemple. La France ne compte pas moins d’hommes dévoués que l’Angleterre. Qu’elle place, elle aussi, en Chine des sentinelles avancées qui puissent déjouer les intrigues et garantir la neutralité d’un pays que des efforts communs ont ouvert à l’Europe. Ferme défense de nos droits, choix d’agens sûrs, protection effective et tenace de ceux qui nous servent, esprit pratique, activité et persistance, telles sont les conditions qui nous feront conserver en Chine dans les luttes pacifiques du commerce la place que nous avons conquise par nos armes.


V. GIQUEL.