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kiang, il y en a de sept à huit mille. Les provinces de l’ouest, le Sse-tchouan et le Kouei-tchouan, comptent aussi beaucoup de prosélytes. Les hardis explorateurs qui, lors de l’ouverture du Yang-tse-kiang en 1862, allèrent chercher une route de la Chine aux Indes par le Thibet, et qui reçurent avec reconnaissance l’aide et les conseils de Mgr Desflesches, l’évêque du Sse-tchouan, déclarèrent avoir rencontré une foule de catholiques dans ces provinces; mais les chrétientés sont tellement dispersées sur la surface immense de l’empire du Milieu, qu’il est impossible d’évaluer exactement le nombre de leurs membres : en le portant à trois cent mille, on ne serait peut-être pas loin de la vérité.

Les derniers traités, en couvrant les missions d’une protection efficace, laissent le champ libre à leur essor. En vertu de la clause par laquelle elles doivent être remises en possession de leurs anciennes propriétés ou recevoir des terrains équivalens, on a affecté dans chaque province de vastes emplacemens à leurs œuvres de religion et de bienfaisance. A Canton, c’est, comme nous l’avons dit, le terrain où s’élevait le palais du vice-roi Yeh; à Tien-tsin, celui du palais impérial. Assurés maintenant du respect des populations, les missionnaires ont presque tous quitté l’habit chinois et pris la soutane; leurs fidèles sont encore exposés à quelques vexations, mais généralement on les laisse en repos, et même en plusieurs endroits ils prennent rang parmi les notables et les mandarins. D’ailleurs, lorsque de cruelles persécutions étouffèrent à plusieurs reprises les germes de la propagation de la foi, ce n’était pas le catholicisme même que les Chinois attaquaient, car ils sont en fait de religion d’une indifférence complète; les mahométans jouissent chez eux de la plus grande liberté, et à Canton, où l’on en compte près de cinq mille, ils ont deux mosquées. Si la religion catholique inspira des craintes et des soupçons, c’est qu’elle était propagée par des étrangers, et que le gouvernement vit en eux des agens politiques venant, au cœur même de l’empire, seconder les desseins ambitieux des puissances occidentales. Les mandarins partagèrent d’autant plus facilement ces ombrages qu’ils craignaient de voir une partie des populations échapper à leur influence absolue. Aujourd’hui la volonté de la cour de Pékin est que les chrétiens soient accueillis et regardés comme des amis; cette décision a été exprimée dans les traités et dans plusieurs édits impériaux : elle est sauvegardée par la présence de notre légation à Pékin.

On a souvent accusé les missionnaires de ne pas songer, en répandant la religion catholique, à servir les intérêts de leur patrie, et on n’a pas manqué d’en donner pour preuve le principe qu’ils ont adopté de ne pas apprendre le français à leurs néophytes. Les mis-