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périté sont si intimement liés au progrès de l’esprit humain que la manière plus ou moins fidèle dont il remplit sa mission peut être prise comme la mesure du développement scientifique à un moment donné. Les époques où le Collège de France a compté dans son sein les chefs du mouvement intellectuel ont été les époques fécondes en grands résultats ; les momens où le Collège de France, transformé en succursale des établissemens universitaires, n’a fait que répéter les doctrines reçues sans poursuivre aucune méthode nouvelle, ont été des temps de décadence scientifique. Un corps comme l’université, — ai-je besoin de dire que je n’entends parler ici que de la tendance générale de l’institution et non des personnes distinguées qui peuvent en faire partie ? — un corps, dis-je, comme l’université, chargé d’enseigner à tous les degrés les études réputées classiques, est nécessairement un peu exclusif. Les nouvelles études ne doivent pas être témérairement introduites dans le programme de l’instruction : il faut qu’un stage leur soit pour ainsi dire imposé, et il n’y a pas d’inconvénient à ce que l’enseignement commun ne suive qu’avec une certaine mesure le progrès de la science ; autrement on s’exposerait à donner une sanction officielle à des hypothèses, et l’on s’obligerait à suivre les tâtonnemens qui se produisent toujours au début d’un ordre de travaux. Toute corporation d’ailleurs doit avoir ce qu’on appelle l’esprit de son état. Or l’esprit particulier de chaque état implique quelque chose qui n’est pas la libre allure de l’homme dégagé de tout lien. Un corps enseignant, quel que soit le nombre des hommes illustres qu’il renferme, est obligé de conserver un peu de ce bon petit esprit à la manière de Rollin, sage, honnête, ne péchant pas par trop de pénétration et de vivacité. La science a d’autres droits et d’autres devoirs ; les utiles barrières que réclame l’austère fonction de l’enseignement seraient quelquefois pour elle des entraves ; la première condition qu’elle exige pour porter ses fruits est la liberté. À côté des établissemens où se garde le dépôt des connaissances acquises, il est donc nécessaire qu’il y ait des chaires indépendantes où la grande originalité, qui dans l’enseignement proprement dit n’est pas une qualité indispensable, trouve sa juste place.

Que faire pour rendre le Collège de France à cette haute destination ? Reprendre l’esprit de François Ier et de Henri II, y appeler les hommes qui dans les sciences physiques et mathématiques, ou dans les sciences historiques et philologiques, sont en voie de créer. Qu’aucune branche nouvelle d’études ne se manifeste en France sans qu’immédiatement elle soit représentée au collège par son fondateur. Il n’est nullement nécessaire que les chaires du Collège de France représentent le cadre encyclopédique de l’enseignement. Ce qui est essentiel, c’est qu’il représente l’état présent du mouvement