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lors on sera maître également de retenir à une distance suffisante, pour éviter la collision, les trains qui s’avancent l’un sur l’autre.

On a proposé aussi d’affecter aux trains express des voies spéciales d’où serait exclu le service à petite vitesse. Malgré l’énormité des dépenses, il n’est pas impossible qu’on prenne un jour ce parti. Déjà le principe de la multiplicité des voies est admis dans certaines limites pour les grands centres de mouvement ; des voies de décharge y ont été créées, soit parallèlement aux premières, soit d’après un autre tracé, comme par exemple la ligne directe de Paris à Creil par Chantilly, qui a dégagé celle de Pontoise. De même, au sortir de la gare Saint-Lazare, on voit se dessiner une foule de lignes parallèles. Si ce n’est pas encore l’adoption complète de la réforme demandée, c’est du moins un acheminement vers le but qu’elle se propose.

Les chemins de fer de l’Angleterre nous offrent une autre solution du problème qui mérite d’être étudiée. Dans cette mère-patrie des railways, les vitesses entre les différens trains n’ont pas cet écart du simple au triple que nous signalions sur nos lignes. Les express accomplissent leur trajet presque sans arrêt intermédiaire, dans des conditions de célérité à peu près semblables à celles qui existent sur nos lignes du Nord ou de Lyon ; devant ces trains rapides, tous les autres se garent longtemps à l’avance, et en marche leur vitesse uniforme est comparable à celle de nos trains omnibus. Au-delà du Rhin, il n’y a guère aussi que deux vitesses, l’une pour tout le service accéléré des voyageurs et des messageries, l’autre fort lente pour les grands convois de marchandises.

Les trains autres que les express étant en Angleterre irréguliers dans leur marche comme nos trains de marchandises, on a dû mettre un plus grand nombre d’express à la disposition du public de toute classe. Celui-ci n’a garde de s’en plaindre ; mais au fond n’a-t-on pas augmenté les chances d’accidens en multipliant ces trains formidables ? Il va sans dire que la charge a dû également être augmentée, ce qui a forcé de surcharger les roues propulsives de la locomotive, lesquelles prennent leur point d’appui sur la voie. Le nom de crushing engines, c’est-à-dire machines écrasantes, donné à ces machines, est assez significatif. Pour le service des marchandises, on a été de même conduit, par l’allégement des trains, à l’accélération des vitesses et à la multiplicité des convois. En fait, sous le rapport de la sécurité comparative, l’avantage n’est pas aux railways anglais, et si nous demandons au calcul quel est celui des deux systèmes où la puissance d’impulsion rend le train moins ingouvernable, étant donné un train français de 500 tonnes à la vitesse de 7 mètres par seconde et un train anglais de 350 tonnes