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I.

« Quand je vis pour la première fois l’Angleterre, a écrit l’auteur de Vanity Fair dans son livre sur l’Ere des Georges (the four Georges), le pays était en deuil de la jeune princesse Charlotte. » Or cette jeune femme, promise à la couronne, et sur qui se fondaient tant d’espérances, mourut le 6 novembre 1817. C’est donc dans les derniers mois de cette année que le futur écrivain, alors âgé de six ans, fit halte à Sainte-Hélène et gravit, sur les épaules d’un serviteur noir, la route montueuse qui menait à Bowood. « Nous y vîmes un jardin où un homme se promenait. — C’est lui! s’écria tout à coup mon guide, c’est Bonaparte!... Il mange à lui seul trois moutons par jour, et de plus tous les enfans sur lesquels il peut mettre la main..., » traduction libre de cette qualification « d’ogre de Corse » prodiguée alors au vaincu de Waterloo. Vingt-trois ans plus tard, Thackeray devait assister aux pompes de la « rentrée des cendres » et les raconter de son mieux à l’Angleterre attentive.

Mistress Richmond Thackeray, restée dans l’Inde après le départ de son fils, allait épouser en secondes noces le major Carmichael Smyth. On a donc tout lieu de croire que l’enfant dont elle s’était séparée demeura confié à ce grand-père dont il portait les prénoms (William Makepeace), et cinq ans plus tard (1822) il comptait déjà parmi les élèves de la Charter-house School, où nous le retrouvons en 1828, comme élève libre et externe de la première classe, honorablement classé parmi les moniteurs de l’école. Cette année-là même ou tout au plus tard l’année suivante, il est inscrit au nombre des étudians de l’université où son aïeul avait laissé de si bons souvenirs, et où il a pour camarade le poète Alfred Tennyson. C’est là que sa vocation d’écrivain se dégage dès 1829, et qu’on peut à la rigueur entrevoir le futur rédacteur du Punch, le futur satirist des Snobs, dans les six ou huit numéros d’une petite feuille macaronique qui justement porte ce dernier titre : LE SNOB, Journal littéraire et scientifique NON dirigé par des membres de l’université. Ce journal fut pendant sa courte existence une caricature tout à fait rabelaisienne de la pédanterie universitaire. Nous doutons fort que la collection s’en retrouve dans aucune bibliothèque de ce bas monde; mais M. Théodore Taylor, dans son livre sur Thackeray humoriste et homme de lettres, nous a soigneusement fourni quelques échantillons de ces gaîtés d’étudiant en goguette. C’est là que les curieux peuvent aller chercher une parodie des poèmes couronnés au concours (prize poems), et dont le sujet, éminemment inspirateur, était la Découverte de Tombouctou! Ils y trouveront