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avis, l’intérêt du lendemain, l’obligation de se perfectionner dans un art où tant de progrès sont encore désirables, auraient exigé que l’école fût indéfiniment conservée; mais enfin, si peu qu’elle ait duré, elle a produit des résultats faciles à constater. Le niveau moyen de la fabrication morézienne a été rehaussé; la montre est désormais confectionnée par quelques maisons qui écoulent aisément leurs produits.

En dehors de l’horlogerie et de ses dépendances plus ou moins éloignées, deux industries se sont fortement acclimatées sur le même point. L’une, la lunetterie, emploie environ deux mille ouvriers, soit dans des ateliers, pour la taille du verre et la confection des branches de lunettes, soit à domicile pour l’ajustage des pièces. L’autre, la fabrication des couverts d’après les procédés de M. de Ruolz, se distingue par des combinaisons ingénieuses dans la préparation du métal et par de rapides progrès dans l’outillage.

Comparé, dans son ensemble, à celui de Saint-Claude, le système de la fabrication à Morez attribue une plus large place aux agens mécaniques. Au lieu de se borner presque toujours, comme là-bas, à donner à la matière une première façon plus ou moins avancée, on demande souvent à la machine hydraulique l’achèvement complet, ou à peu près complet, de pièces délicates et fines. Hormis ce trait différentiel, les points de ressemblance sont nombreux entre l’organisation même des deux fabriques. A Morez comme à Saint-Claude, le travail se répand sur les montagnes environnantes et dans un rayon d’égale étendue. A défaut d’une annexe lointaine et indépendante comme le Bugey, où le travail n’offre d’affinité qu’avec celui de Saint-Claude, Morez embrasse immédiatement dans sa sphère d’action le vaste plateau triangulaire du canton de Saint-Laurent appelé le Grand-Vaux, dont les pointes se dirigent l’une vers Lons-le-Saulnier, l’autre vers Saint-Claude, et la troisième vers Morez, mais dont le pôle d’attraction est exclusivement dans cette dernière cité. Quant à la division du travail, elle existe dans la seconde aussi bien que dans la première de ces deux fabriques. Certaines applications y permettent également d’utiliser le concours des femmes et celui des enfans. Ainsi on emploie des femmes pour inscrire les heures sur les cadrans des horloges dans des ateliers spéciaux. Le plus souvent c’est à domicile que s’exécutent, soit dans l’horlogerie, soit dans la lunetterie, les détails dont peuvent se charger des mains faibles et délicates.

Le dimanche, plus régulièrement à Morez qu’à Saint-Claude, est le jour indiqué où les ouvriers viennent chez le fabricant chercher du travail en échange de celui qu’ils rapportent. On les voit dès le matin arriver par files, avec leur ouvrage sur le dos, ou, s’il s’agit